Apport de l’OCT-A dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la cause principale de cécité chez les sujets âgés de plus de 50 ans dans les pays développés. Les avancées des techniques d’imagerie des 20 dernières années ont révolutionné sa prise en charge, que ce soit du point de vue diagnostique ou thérapeutique. L’OCT-A est une technique d’imagerie non invasive, permettant de délivrer des informations sur la structure et le flux de la vascularisation rétinienne et choroïdienne. Elle est utilisée dans le cadre de multiples pathologies rétiniennes, et notamment dans la DMLA où elle a montré son utilité en routine clinique.
La DMLA avant l’ère de l’OCT-A
L’imagerie rétinienne dans la DMLA est particulièrement intéressante, à la fois pour le diagnostic initial et la détection d’une néovascularisation, mais aussi pour le suivi puisqu’elle permet de détecter également l’activité de la maladie, comme la présence ou non d’exsudation dans le cadre d’une DMLA exsudative, ou la progression de l’atrophie dans le cadre d’une DMLA atrophique. Elle est également cruciale pour le traitement puisqu’elle permet notamment de monitorer la réponse aux anti-VEGF dans le cadre d’une DMLA exsudative. Dans les années 1960, avant l’ère de l’OCT (tomographie par cohérence optique) et de l’OCT-A, la technique d’imagerie standard dans la DMLA reposait sur l’angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine. Cette technique permet notamment de mettre en évidence la présence d’une néovascularisation maculaire, par l’étude des patterns visibles de fluorescéine. Cependant, cette technique est invasive puisqu’elle nécessite l’injection de colorant et est deux dimensionnelle (2D).
Plus récemment, l’OCT a révolutionné la prise en charge de la DMLA. Elle joue un rôle fondamental pour le diagnostic mais aussi pour la thérapeutique puisqu’elle permet de monitorer l’activité néovasculaire dans le cadre d’une DMLA exsudative et d’évaluer la réponse au traitement. Cependant, l’OCT ne permet pas de visualisation de la vascularisation rétinienne ni de visualisation détaillée et structurelle de la membrane néovasculaire.
Qu’est-ce que l’OCT-A ?
L’OCT-A est une technique d’imagerie rapide, non invasive, de haute résolution, permettant la visualisation de la vascularisation rétinienne et choroïdienne avec une résolution 3D. Elle est fondée sur le principe de la « décorrélation » (Split-Spectrum Amplitude-Decorrelation Angiography [SSADA]) et repose sur l’utilisation d’une diode super luminescente (SLD) sans avoir recours à l’injection de colorant. Cela permet de visualiser uniquement la partie mobile, supposée correspondre au flux endoluminal d’érythrocytes dans la circulation sanguine. Les différences de signal sont traitées par divers algorithmes pour créer une carte vasculaire fonctionnelle de la rétine et de la choroïde.
L’OCT-A dans la DMLA exsudative
L’OCT-A permet de visualiser avec précision la présence d’une néovascularisation maculaire, qu’elle soit de type 1, 2 ou 3, offrant une caractérisation inégalée du réseau néovasculaire (MNV) qui dépasse celui de l’angiographie à la fluorescéine, en ICG et de l’OCT structurelle (figure 1). En effet, l’image de l’OCT-A n’étant pas masquée par la fuite de colorant, on obtient une représentation claire du réseau néovasculaire. Elle permet ainsi, après une segmentation adéquate, une visualisation de la taille, de la structure, de la configuration et de l’emplacement des néovaisseaux maculaires.
La sensibilité et la spécificité de l’OCT-A par rapport à l’angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine varient, selon les études, de 50 à 100% [1]. Ces paramètres varient en fonction des études publiées qui utilisent différents dispositifs (appareil spectral domain ou swept source OCT-A) et qui se sont intéressées à différents types de MNV.
Certains auteurs ont suggéré que l’OCT-A puisse être utilisée pour surveiller la réponse des lésions néovasculaires au traitement anti-VEGF. Cependant, toutes les études sur ce sujet n’ont pas été entièrement concordantes.
Alors que certains auteurs ont rapporté une réduction de la taille du MNV [2], d’autres n’ont trouvé aucun changement ni même une augmentation de la taille après 1 à 2 semaines de régression maximale.
Des changements morphologiques ont été suggérés pour décrire l’activité de la néovascularisation. Les caractéristiques d’une néovascularisation active comportent la présence d’un réseau de vaisseaux, d’anastomoses ou de boucles se ramifiant en fins capillaires, d’arcades périphériques et d’un halo hypo-intense au pourtour. Au contraire, une néovascularisation inactive chronique se traduit par la présence de vaisseaux avec un aspect « d’arbre mort », une absence d’anastomoses, de boucles et d’arcades périphériques [3,4].
Des mesures quantitatives ont même été proposées pour suivre le traitement par anti-VEGF. Huang et al. ont montré une forte diminution du flux au cours des 2 premières semaines de traitement par anti-VEGF, suivie d’une réapparition du flux 4 semaines après l’instauration du traitement [5].
OCT-A dans la DMLA non exsudative : DMLA atrophique et intermédiaire
L’OCT-A peut être également très utile dans la DMLA non exsudative : elle permet notamment la visualisation d’une néovascularisation quiescente ainsi qu’une évaluation de la perfusion choriocapillaire, que ce soit dans la DMLA intermédiaire ou atrophique.
L’OCT-A permet en effet la détection d’une néovascularisation quiescente chez les patients présentant une DMLA intermédiaire, c’est-à-dire une néovascularisation maculaire sans exsudation. La présence d’une néovascularisation quiescente a ainsi été estimée à environ 14% dans les yeux controlatéraux de patients atteints d’une DMLA exsudative [6]. L’OCT-A est dans ce cas-là un excellent outil de dépistage, compte tenu qu’elle est non invasive et rapide. Cela permettrait de dépister les patients précocement et de leur proposer un suivi plus rapproché, compte tenu du risque de conversion en néovascularisation active.
L’OCT-A peut également aider à détecter, de la même manière, la présence d’une néovascularisation non exsudative chez les patients présentant une DMLA atrophique.
Par ailleurs, l’étude de la perfusion choriocapillaire chez les patients présentant une DMLA intermédiaire et atrophique est possible. Il a été en effet démontré que la perfusion choriocapillaire était diminuée chez les patients ayant une DMLA intermédiaire vs sujets contrôles, de même chez les patients présentant une DMLA atrophique [7].
Bien que ces mesures puissent varier en fonction de nombreux paramètres utilisés et ne soient pas utilisées en routine clinique, cela permet une meilleure compréhension de la physiopathologie de la DMLA et le rôle du complexe choriocapillaire/membrane de Bruch’s/épithélium pigmentaire dans la développement de la maladie (figure 2) [8].
Conclusion
L’OCT-A est un outil d’imagerie rapide et non invasif utile pour de nombreuses pathologies rétiniennes, et notamment pour la DMLA exsudative mais aussi intermédiaire et atrophique. Elle permet entre autres de diagnostiquer la présence d’une néovascularisation maculaire mais est aussi utile pour le suivi et la mise en place d’un traitement. Par ailleurs, l’OCT-A permet également de mieux comprendre la physiopathologie de la DMLA, avec notamment la possibilité d’analyses quantitatives.
Références bibliographiques
[1] Perrott-Reynolds R, Cann R, Cronbach N et al. The diagnostic accuracy of OCT angiography in naive and treated neovascular age-related macular degeneration: a review. Eye (Lond). 2019;33(2):274-82.
[2] Kuehlewein L, Sadda SR, Sarraf D. OCT angiography and sequential quantitative analysis of type 2 neovascularization after ranibizumab therapy. Eye (Lond). 2015;29(7):932-5.
[3] Coscas GJ, Lupidi M, Coscas F et al. Optical coherence tomography angiography versus traditional multimodal imaging in assessing the activity of exudative age-related macular degeneration: A new diagnostic challenge. Retina. 2015;35(11):2219-28.
[4] Miere A, Semoun O, Cohen SY et al. Optical coherence tomography angiography features of subretinal fibrosis in age-related macular degeneration. Retina. 2015;35(11):2275-84.
[5] Huang D, Jia Y, Rispoli M et al. Optical coherence tomography angiography of time course of choroidal neovascularization in response to anti-angiogenic treatment. Retina. 2015;35(11):2260-4.
[6] Treister AD, Nesper PL, Fayed AE et al. Prevalence of subclinical CNV and choriocapillaris nonperfusion in fellow eyes of unilateral exudative AMD on OCT angiography. Transl Vis Sci Technol. 2018; 7(5):19.
[7] Borrelli E, Shi Y, Uji A et al. Topographic analysis of the choriocapillaris in intermediate age-related macular degeneration. Am J Ophthalmol. 2018;196:34-43.
[8] Le HM, Souied EH, Querques G et al. Choriocapillaris flow impairment in type 3 macular neovascularization: A quantitative analysis using swept-source optical coherence tomography angiography. Retina. 2021;41(9):1819-27.