Avancées thérapeutiques dans le traitement de la DMLA atrophique
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie de la rétine complexe dont la pathogenèse est incomplètement élucidée. Plusieurs voies thérapeutiques sont actuellement explorées et compte tenu de l’énorme fardeau que représente la DMLA atrophique, des développements thérapeutiques rapides et continus sont attendus, avec une augmentation des essais cliniques et l’optimisme qu’un traitement efficace sera approuvé dans un futur proche.
Pathogenèse de la DMLA atrophique
Plusieurs facteurs contribuent à sa pathogénie, y compris génétiques, environnementaux, inflammatoires et ischémiques.
La présence des drusen est caractéristique aux stades précoces, et ceux-ci peuvent confluer et évoluer. Ils contiennent plusieurs facteurs pro-inflammatoires, notamment des composants de la voie du complément (et des produits liés à la lipofuscine), qui ont été identifiés comme faisant partie des principaux contributeurs au développement de la DMLA atrophique (figure 1). Plusieurs études suggèrent que l’activation de la voie du complément et le complexe d’attaque membranaire (MAC) qui en résulte jouent un rôle clé dans la perte de la choriocapillaire et dans le développement de la DMLA atrophique et de sa forme avancée, appelée atrophie géographique (AG).
Traitement
Actuellement, la prise en charge de la DMLA atrophique consiste à réaliser des examens ophtalmologiques et un suivi par des examens complémentaires comme des OCT réguliers, afin de reconnaître une baisse de l’acuité visuelle (AV) et/ou de détecter une néovascularisation maculaire. Plusieurs voies thérapeutiques sont explorées, qui visent à prévenir la maladie, arrêter sa progression et/ou restaurer la vision. Dans cette section, nous présentons quelques exemples des différentes voies de traitement.
Agents anti-inflammatoires et inhibiteurs du complément
Plusieurs stratégies thérapeutiques modulant le système du complément chez les patients atteints d’une DMLA sont étudiées (figure 1), dont une étude de phase III en cours.
Pegcétacoplan
Le pegcétacoplan (APL-2) est une thérapie expérimentale ciblée contre la protéine C3 du système du complément. Il se lie à C3 et à son fragment d’activation C3b avec haute affinité, régulant ainsi le clivage de C3 et la production d’effecteurs en aval de l’activation du complément. FILLY était un essai randomisé de phase II, multicentrique, contrôlé par placebo (n = 246 ; NCT02503332), qui étudiait l’efficacité et la sécurité de l’APL-2 en injection intravitréenne (IVT) chez les patients atteints d’une AG. Les patients recevant du pegcétacoplan tous les mois ou tous les 2 mois ont montré une réduction du taux de croissance de l’AG de 29% (p = 0,008) et de 20% (p = 0,067) respectivement, par rapport au groupe placebo, bien qu’aucune différence n’ait été observée entre l’AV des 2 groupes. Parmi les événements indésirables, on notait une augmentation de l’incidence de néovascularisation de 8,9% dans le groupe traité tous les 2 mois et de 20,9% dans le groupe traité mensuellement. Deux patients du groupe mensuel et 1 du groupe bimestriel ont développé une endophtalmie. L’agence américaine des médicaments (FDA) a accordé la désignation accélérée du pegcétacoplan, et le recrutement pour les études de phase III DERBY (NCT03525600) et OAKS (NCT0355613) est maintenant terminé. Les résultats intermédiaires à 18 mois dans les 2 études montrent que le pegcétacoplan mensuel et bimestriel continue à réduire la croissance de l’AG par rapport au placebo, avec toutes les valeurs p (nominales) inférieures à 0,05 (figure 2). L’étude d’extension GALE (NCT04770545) reprend les patients ayant terminé leur suivi de 24 mois dans OAKS et DERBY afin d’évaluer les résultats à 36 mois.
Danicopan
Depuis cette année, les patients ayant une DMLA atrophique peuvent bénéficier d’un nouveau protocole de recherche clinique dans le service d’ophtalmologie de l’hôpital intercommunal de Créteil. Il s’agit d’une étude en phase II double insu, chargée d’évaluer l’effet du danicopan sur la progression de la maladie en utilisant des mesures anatomiques exploratoires par rapport au placebo.
Le danicopan (ALXN2040, anciennement ACH-0144471) est une petite molécule d’administration orale, inhibitrice du facteur D (FD) – molécule essentielle nécessaire à l’activation de la voie alternative de l’inflammation. Il se lie de manière réversible à FD avec une haute affinité et démontre une inhibition puissante de l’activité de la voie alternative dans des conditions in vitro et in vivo. En inhibant le FD, les dommages tissulaires précipités par la dérégulation de la voie alternative peuvent être prévenus, ce qui positionne la stratégie d’inhibition du FD comme une stratégie thérapeutique de ralentissement de la progression de l’atrophie de la rétine dans le contexte d’une DMLA atrophique.
Actuellement, plusieurs protocoles de recherche évaluent l’efficacité d’autres inhibiteurs de la voie du complément, tel le pegcétacoplan qui s’administre par IVT. Les avantages de l’administration par voie orale sont évidents : elle cible efficacement les 2 yeux, n’est pas invasive, et les médicaments peuvent être pris à domicile.
Sont incluables dans cette étude tous les patients âgés de plus de 70 ans, hommes ou femmes, avec une large fourchette autant en AV que concernant la taille de l’atrophie maculaire.
Parmi les critères d’exclusion, citons bien évidement une atrophie due à une cause autre que la DMLA (par exemple : myopie pathologique, dystrophie maculaire ou maculopathie toxique). Avoir déjà reçu des IVT d’anti-angiogéniques (anti-VEGF) dans l’œil étudié est également un critère d’exclusion.
Les résultats de cette étude ne seront pas disponibles avant 2 ans.
Dispositifs visuels
Plusieurs aides optiques existent déjà pour mieux focaliser l’image sur les parties viables autour de l’AG, comme les systèmes télescopiques et les équipements basse vision de manière générale. Mais il existe aussi des prothèses rétiniennes, dites « bioniques », qui imitent la fonction des photorécepteurs dégénérés. Ces prothèses contiennent une unité de capture d’image sous la forme d’un réseau de microphotodiodes ou d’une caméra externe liée à un réseau d’électrodes qui captent et convertissent la lumière en signal électrique qui stimulera les zones non affectées de la rétine pour générer un signal visuel.
PRIMA
PRIMA (Pixium Vision Inc.) est un système de vision bionique sous-rétinien photovoltaïque sans fil. Il consiste en une caméra intégrée dans des lunettes portées par le patient. Celles-ci sont attachées à un processeur de poche qui traite l’image et la transmet à un projecteur miniaturisé monté sur l’arrière des lunettes. Ce projecteur envoie une lumière proche de l’infrarouge sur un implant inséré chirurgicalement dans l’espace sous-rétinien de la macula. Les cellules photovoltaïques de l’implant convertissent ensuite les informations optiques en signal électrique pour stimuler les cellules rétiniennes afin de générer un signal visuel (figure 3).
Actuellement, une étude européenne et une étude américaine étudient l’efficacité et la sécurité du système PRIMA. L’étude PRIMA FS a recruté 5 participants atteints d’une AG. Les résultats à 12 mois ont montré que les 5 patients pouvaient percevoir des motifs visuels dans les zones de scotomes précédents (avant l’implant), que 3 des 5 patients avaient désormais une AV chiffrable et qu’aucun événement indésirable n’avait été signalé. L’étude américaine PRIMA US compte également 5 participants et surveillera la sécurité et la performance de l’appareil jusqu’à 36 mois. Cette étude est toujours en cours de recrutement et ses résultats sont attendus.
Conclusion
La DMLA atrophique est une maladie complexe, avec plusieurs voies vraisemblablement impliquées dans sa pathogenèse, ce qui pose des défis thérapeutiques.
Plusieurs études cliniques de phases I/II se sont révélées très prometteuses, créant de grandes attentes par rapport aux études plus poussées qui sont en cours ou prévues dans un avenir proche. En revanche, plusieurs essais n’ont pas atteint leurs critères d’évaluation malgré des résultats prometteurs dans les stades précliniques. Les principales difficultés concernaient les modes d’administration des médicaments, le manque d’efficacité pour ralentir la progression de l’AG, ainsi que les problèmes de sécurité. Il n’est toujours pas clair si certains de ces agents pourraient avoir une prédisposition pour la progression vers l’autre forme de DMLA, la néovasculaire, ou l’accélérer.
Pour en savoir plus
De Guimaraes TA, Varela MD, Georgiou M, Michaelides M. Treatments for dry age-related macular degeneration: therapeutic avenues, clinical trials and future directions. Br J Ophthalmol. 2022;106(3):297-304.
Rubner R, Li KV, Canto-Soler MV. Progress of clinical therapies for dry age-related macular degeneration. Int J Ophthalmol. 2022;15(1):157.