DMLA et maladie de Parkinson : y a-t-il un lien ?

La maladie de Parkinson est un syndrome neurologique caractérisé par une difficulté d’exécution des mouvements incluant un ralentissement, une rigidité, des tremblements, ainsi qu’une instabilité posturale. La cause de la maladie est inconnue et celle-ci a été définie comme étant une maladie neurodégénérative liée à l’âge. Dans les pays industrialisés, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la principale cause de baisse de vision chez les patients âgés. Cette maladie se traduit par une altération de la rétine externe dont le principal facteur de risque est l’âge. Ces 2 pathologies neurodégénératives, même si elles semblent éloignées pourraient-elles être liées ?

Excepté quelques facteurs de risque identifiés – exposition à certaines toxines, infections et accidents vasculaires cérébraux –, l’origine de la maladie de Parkinson est inconnue. La maladie est probablement associée à une prédisposition génétique et à une exposition environnementale qui agit comme une gâchette sur son développement. Elle se caractérise par une diminution du nombre de neurones produisant la dopamine. Cette molécule est un neurotransmetteur qui permet la communication au sein du système nerveux central et qui influe directement sur le comportement.
La physiopathogénie de la DMLA n’est pas, elle non plus, totalement élucidée et est attribuée à une interconnexion entre l’âge, des variants génétiques à risque et des facteurs environnementaux. Plusieurs études épidémiologiques citent aussi les maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risques (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, etc.), le régime alimentaire et certains polymorphismes génétiques (CFH, ApoE2, HTRA1). Le principal élément de la physiopathologie de la DMLA est la sénescence de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR), qui va perdre ses capacités de soutien sur les cellules neuronales sus-jacentes : les cônes et les bâtonnets. La DMLA est ainsi considérée comme une maladie neurodégénérative rétinienne.
Bien que la DMLA et la maladie de Parkinson aient été découvertes et décrites il y a plus de 100 ans, elles ne bénéficient que d’un traitement suspensif. La maladie de Parkinson est traitée par la L-DOPA, un précurseur de la dopamine qui peut franchir la barrière hémato-encéphalique et ainsi se métaboliser en dopamine. Cette molécule diminue les symptômes de la maladie et améliore la qualité de vie des patients. De la même manière, les anti-VEGF injectés chez les patients sont actuellement l’unique traitement des patients souffrant d’une DMLA néovasculaire. Même si elles ont permis de réduire de plus de 50% le risque de cécité, les injections sont seulement suspensives et ne préviennent ni ne traitent la maladie neurodégénérative.

Association Parkinson-DMLA sur des études de big data

Deux études rétrospectives ont recherché le lien entre DMLA et Parkinson sur des analyses de bases de données nationales d’assurances santé dans des pays asiatiques. Chung et al. ont, les premiers, montré que les patients atteints d’une DMLA néovasculaire avaient environ 2,5 fois plus de risque de développer une maladie de Parkinson dans les 3 ans suivant le diagnostic de l’affection oculaire [1]. Ces résultats ont été confirmés a minima par une autre étude montrant un risque d’environ 1,5 de développer une maladie de Parkinson dans les suites d’une DMLA [2].
Il est fortement improbable que l’une de ces 2 maladies puisse directement provoquer la seconde. Plusieurs mécanismes possibles peuvent expliquer une telle association. De nombreuses études ont suggéré que le stress oxydatif, l’inflammation chronique et l’altération de l’homéostasie des cellules neuronales seraient des voies biologiques communes à ces 2 maladies neurodégénératives liées à l’âge. Ainsi les mécanismes pathologiques contribuant à la DMLA peuvent aussi être associés au développement d’autres maladies neurodégénératives telle la maladie de Parkinson.

Une étude sur plusieurs bases de données d’assurances aux États-Unis a révélé que des patients traités par L-DOPA développaient des DMLA de tout type, dont des formes néovasculaires, environ 8 ans après des patients non traités [3]. La L-DOPA est un précurseur métabolique de la dopamine qui, contrairement à cette dernière, peut traverser la barrière hémato-encéphalique. Une fois dans le cerveau, la L-DOPA est métabolisée en dopamine par la DOPA-décarboxylase. Elle permet ainsi de suppléer au manque de ce neurotransmetteur qui est normalement produit à partir de la L-Tyrosine grâce notamment à l’action d’une tyrosine hydroxylase, caractéristique des cellules « dopaminergiques » (figure 1). Afin d’éviter sa dégradation périphérique, la L-DOPA est de nos jours systématiquement administrée avec un inhibiteur de la DOPA-décarboxylase périphérique, évitant ainsi sa métabolisation périphérique qui pourrait entraîner des effets secondaires gênants. Selon les auteurs, la L-DOPA permettrait de diminuer le besoin, voire pourrait se substituer aux anti-VEGF dans la DMLA néovasculaire.

Autres atteintes oculaires dans la maladie de Parkinson 

Outre les atteintes cérébrales générant des altérations oculomotrices bien décrites dans la maladie de Parkinson, des altérations rétiniennes ont aussi été identifiées et peuvent jouer un rôle sur la modulation fine du signal visuel et sur l’horloge circadienne [4,5]. Des cellules dopaminergiques sont présentes dans la rétine interne. En effet, il existe un contingent de cellules amacrines qui expriment l’enzyme tyrosine hydroxylase et qui peuvent donc produire de la dopamine (figure 2).

La rétine interne, mais aussi externe, possède de nombreux récepteurs à la dopamine dont le rôle n’est pas encore bien défini [6]. Certaines équipes ont retrouvé une diminution du nombre de cellules amacrines dopaminergiques dans des modèles animaux de Parkinson, mais aussi chez les patients atteints.
Des études plus récentes sur l’OCT ont mis en évidence une réduction de l’épaisseur des couches internes de la rétine. Celle-ci pourrait être en lien avec la mort des cellules amacrines dopaminergiques, même si cette hypothèse est difficilement vérifiable au vu du faible nombre de cellules appartenant à ce contingent. Une autre hypothèse serait liée à la présence de dépôts d’alpha-synucléines dans la rétine interne qui amèneraient à la dégénérescence cellulaire [7]. Les synucléinopathies, comprenant la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy et l’atrophie multisystématisée, se caractérisent par l’accumulation anormale d’agrégats de protéine synucléine dans certaines structures neuronales ou gliales. Cette accumulation de protéine serait l’un des éléments déclencheurs de ces maladies.

Conclusion

De nombreux biais et écueils sont à relever dans les études analysant les bases de données. Tout d’abord le schéma rétrospectif ne permet pas de contrôler l’ensemble des biais potentiels qu’il peut y avoir dans ces pathologies qui touchent sensiblement le même type de population : patients âgés, risques cardiovasculaires, etc. Il peut donc être retrouvé à tort une association entre les 2 maladies alors que celle-ci pourrait être plutôt liée à l’un des facteurs de risques commun.
De plus, aucune de ces études n’a différencié l’atteinte qui pouvait être liée à la maladie de Parkinson par rapport à celle potentiellement engendrée par un traitement utilisant la L-DOPA. La difficulté réside dans le fait que la quasi-totalité des patients parkinsoniens sont traités par L-DOPA et que la maladie de Parkinson est pratiquement la seule pathologie à bénéficier de ce traitement. Des études prospectives semblent être difficilement réalisables au vu de la fréquence de ces 2 pathologies et du nombre conséquent de patients à inclure pour retrouver un éventuel effet.
À l’heure actuelle, aucune étude puissante n’est donc disponible pour confirmer un éventuel lien.

Références bibliographiques
[1] Chung SD, Ho JD, Hu CC et al. Increased risk of Parkinson disease following a diagnosis of neovascular age-related macular degeneration: a retrospective cohort study. Am J Ophthalmol. 2014; 157(2):464-9.
[2] Choi S, Jahng WJ, Park SM, Jee D. Association of age-related macular degeneration on Alzheimer or Parkinson disease: a retrospective cohort study. Am J Ophthalmol. 2019;pii: S0002-9394(19) 30531-8.
[3] Brilliant MH, Vaziri K, Connor TB et al. Mining retrospective data for virtual prospective drug repurposing: l-dopa and age-related macular degeneration. Am J Med. 2016;129(3):292-8.
[4] Mathis T, Rauber H, Sautivet L et al. [Screening for reading difficulties in Parkinson’s disease: an evaluation of the Alouette test]. J Fr Ophtalmol. 2018;41(8):718-24.
[5] Ortuño-Lizarán I, Esquiva G, Beach TG et al. Degeneration of human photosensitive retinal ganglion cells may explain sleep and circadian rhythms disorders in Parkinson’s disease. Acta Neuropathol Commun. 2018;6(1):90.
[6] Nguyen-Legros J, Versaux-Botteri C, Vernier P. Dopamine receptor localization in the mammalian retina. Mol Neurobiol. 1999;19(3): 181-204.
[7] Veys L, Vandenabeele M, Ortuño-Lizarán I et al. Retinal α-synuclein deposits in Parkinson’s disease patients and animal models. Acta Neuropathol. 2019;137(3):379-95.

Auteurs

  • Thibaud Mathis

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon ; laboratoire MATEIS, UMR-CNRS 5510, INSA, Université Lyon 1

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