Échos de la SFO 2023 en contactologie

La réunion annuelle de la Société française des ophtalmologistes adaptateurs de lentilles de contact (SFOALC) sur le thème de l’astigmatisme dans tous ses états s’est divisée en 2 grandes parties : la première a détaillé l’astigmatisme – le comprendre, comment équiper les patients en verres correcteurs et en lentilles souples, rigides ou en orthokératologie ; la deuxième était axée sur les particularités de l’adaptation des lentilles de contact dans le cas des cornées irrégulières, en discutant des synergies entre chirurgie et contactologie.
L’astigmatisme, c’est quoi ?
Le Dr Julien Bullet a rappelé les notions optiques définissant l’astigmatisme régulier, cornéen ou interne, ainsi que les astigmatismes irréguliers et les aberrations optiques de haut degré décomposées par le polynôme de Zernike.
Savoir lire une topographie cornéenne
La topographie cornéenne permet une analyse de la surface cornéenne en donnant une représentation graphique de sa sphéricité, sa toricité, son excentricité et sa symétrie. Elle constitue une aide précieuse pour les adaptations en lentilles de contact. Elle est utilisée par certains logiciels d’aide à l’adaptation, par exemple en orthokératologie. Deux techniques de mesures sont disponibles : soit par cartographie spéculaire à l’aide d’un disque de Placido analysant la face antérieure de la cornée par projection de mires, soit par cartographie d’élévation analysant des faces antérieures, postérieures et leur parallélisme. Les techniques de balayage ou d’OCT sont alors utilisées. L’utilisation des cartes différentielles est utile pour la surveillance de l’évolutivité d’un kératocône ou pour le suivi d’un traitement par orthokératologie par exemple, a expliqué le Dr Françoise Ernould.
Comment bien corriger mon patient astigmate en lunettes ?
Les symptômes fonctionnels liés à un astigmatisme non corrigé doivent être recherchés à l’interrogatoire. Un flou visuel en vision de loin et de près, une fatigue visuelle, une diffraction lumineuse majorée la nuit, des céphalées, des picotements oculaires peuvent en être les manifestations cliniques. Il est nécessaire de toujours comparer l’astigmatisme trouvé lors de la réfraction à celui de l’ancienne correction. Des fluctuations de cette mesure selon la taille de la pupille sont possibles, a détaillé Philippe Gardon. Avant d’analyser le cylindre, il faut s’assurer que la réfraction subjective est au maximum de convexe. La méthode du cylindre croisé est la plus fiable, en débutant par la détermination de l’axe puis de la puissance du cylindre. Les changements importants de correction chez les adultes sont rarement tolérés. Il est recommandé d’éviter de changer l’axe de plus de 20° et la puissance de plus de 1,00 D par rapport à l’ancienne prescription.
Mon patient est astigmate, puis-je lui proposer des lentilles souples ?
Le Dr Katherine Vis a rappelé que l’interrogatoire permettait de cibler la motivation du patient, les activités et sports pratiqués, afin d’orienter le début de l’adaptation. Il est possible de négliger les petits astigmatismes inférieurs à 0,75 D. Un petit astigmatisme inverse peut notamment être bénéfique chez les patients presbytes. Lors de l’adaptation, les lentilles en silicone hydrogel, à renouvellement fréquent, voire journalier, seront privilégiées. Les gammes de lentilles étant de plus en plus larges, la plupart des combinaisons sphéro-cylindriques sont désormais adaptables. La stabilisation de la lentille est contrôlée avec les traits repères afin de réaliser les ajustements nécessaires.
Quand proposer des lentilles rigides perméables au gaz ?
Le Dr Louisette Bloise a montré que les lentilles rigides perméables au gaz (LRPG) constituaient une option intéressante pour l’adaptation des patients astigmates. Leur qualité optique est supérieure à celle des lentilles souples. Le choix des différents paramètres permet une adaptation sur mesure. Ces lentilles étendent les possibilités de correction aux astigmatismes cornéens irréguliers. Les matériaux utilisés sont de haut Dk. Au-delà de 2,50 D de cylindre, une lentille torique interne sera nécessaire pour une meilleure stabilisation. Dans le cas d’un astigmatisme interne ou mixte, les LRPG toriques externes ou bitoriques pourront être proposées.
Et l’orthokératologie, c’est possible ?
Le Dr Jean-Philippe Colliot a démontré qu’il était possible de corriger l’astigmatisme en orthokératologie. Les lentilles à dégagements toriques permettent d’optimiser le remodelage épithélial des cornées astigmates. L’astigmatisme jusqu’à -4,00 D peut être corrigé, ainsi que les amétropies sphériques associées en myopie jusqu’à -7,00 D, et l’hypermétropie jusqu’à +4,00 D.
Et si je deviens presbyte, j’abandonne mes lentilles ?
L’adaptation des patients astigmates presbytes peut s’avérer délicate. Il est envisageable de négliger un astigmatisme inférieur à 1,00 D s’il n’entraîne pas une baisse d’acuité visuelle de plus de 2 lignes. Négliger un astigmatisme inverse peut favoriser la vision de près. L’étendue des gammes de lentilles permet d’adapter ces patients avec tout type de lentille selon l’amétropie (LSH, LRPG, orthokératologie, hybride, sclérale). Concernant l’adaptation en lentille souple, il est possible d’ajuster à partir d’une lentille multifocale et d’ajouter le cylindre, ou à partir d’une lentille torique et d’ajouter la multifocalité. Cette possibilité ne pourra s’effectuer qu’en restant dans les mêmes gammes de lentilles (qui possèdent à la fois un design torique, multifocal et torique multifocal) a expliqué le Dr Marie-Aude Lureau-Cornuot.
Prise en charge chirurgicale de l’astigmatisme
Selon le Dr Clémentine David, les astigmatismes réguliers sont accessibles à un traitement laser jusqu’à 6,00 D par les techniques de PKR, Lasik ou chirurgie lenticulaire. Pour les astigmatismes hypermétropiques ou mixtes, le Lasik permet un meilleur résultat, malgré une régression plus importante que les astigmatismes myopiques. Il est important d’utiliser une plateforme laser permettant la compensation de la cyclotorsion. Dans certains cas particuliers, les astigmatismes irréguliers peuvent être traités par photoablation aberro- ou topoguidée.
Quel implant choisir chez mon patient astigmate ? Une formule ?
Selon une méta-analyse, les implants avec des haptiques en S (de type « loops »), en acrylique hydrophobe, entraînent le moins de rotations postopératoires. Les formules de dernière génération permettent le résultat réfractif le plus précis, d’après l’expérience du Dr Alain Saad. L’astigmatisme cornéen postérieur doit être pris en compte lors du calcul, sauf en cas de cornea guttata.
Astigmatisme après une greffe de cornée
Point de vue du contactologue, par le Dr Marie-Caroline Trone
L’enjeu majeur de cette adaptation sera de respecter la zone de jonction (« genou ») entre le greffon qui est oblate et la cornée receveuse prolate. Les LRPG de grand diamètre au profil oblate et aux dégagements inverses peuvent être utilisées (exemple : Menicon Rose K2 PG ou LCS Aéria Oblate). En cas d’instabilité ou d’inconfort, l’utilisation d’une lentille hybride peut être discutée (exemple : LCS Eyebrid Excel Oblate ou Menicon UltraHealth FC). En cas d’échec de ces lentilles, le recours à une lentille sclérale peut être nécessaire. Les matériaux choisis devront être très perméables à l’oxygène. Une surveillance rapprochée restera indispensable au cours du suivi, afin d’anticiper une éventuelle complication et de pouvoir, si nécessaire, réadresser le patient au chirurgien.
Point de vue du chirurgien, par le Pr Jean-Louis Bourges
Dans le cas d’un astigmatisme important, si les sutures cornéennes sont en place, il est envisageable de les ajuster ou de réaliser une ablation sélective. Si elles ont déjà été enlevées, une photoablation, la réalisation d’incisions arciformes, de sutures au prolène ou d’un implant intraoculaire peuvent être proposées selon les cas.
Astigmatisme irrégulier, kératocône, DMP ou ectasie
Point de vue du contactologue, par le Dr Marie-Caroline Trone
La contactologie est un pilier majeur de la réhabilitation visuelle de ces patients. Les LRPG multicourbes seront essayées en première intention. En cas d’intolérance ou de pathologie cornéenne périphérique limitant leur adaptation, les lentilles hybrides ou sclérales pourront permettre une récupération visuelle.
Point de vue du chirurgien, par le Pr Pierre Fournié
Les lentilles donnent souvent les meilleures acuité et qualité visuelles et restent ainsi la prise en charge de choix pour ces patients. En cas d’échec, des cornéoplasties conservatrices peuvent être proposées, à l’aide d’anneaux intracornéens ou d’une photoablation topoguidée. Les résultats sont parfois peu prédictibles et ces techniques ne sont pas dénuées de complications. Pour les stades les plus avancés, en dernier recours, une greffe de cornée idéalement lamellaire antérieure profonde est à envisager.
Les lentilles à la rescousse ?
Les lentilles ont leur place pour compléter le résultat visuel dans les chirurgies cornéennes, dans la prise en charge des astigmatismes irréguliers ou des pathologies de surface, a indiqué le Dr Agnès Delcampe. Une collaboration étroite entre chirurgiens et contactologues permet une prise en charge optimale de ces patients.
Grand prix de contactologie Évelyne Leblond 2023 (6e édition)
Les lauréates de cette année sont : Léa Pitoun, interne au CHU de Lille pour son cas « Un regard en trompe-l’œil, pour en (re)mettre plein la vue » ; Nicole Mechleb, interne à la Fondation Adolphe de Rothschild à Paris pour son cas « Tolérance aux LRPG : un peu trop ? » et Maria Rizk, interne à la Fondation Adolphe de Rothschild à Paris pour son cas « Lentille pour un champion ». Vous retrouverez tout au long de l’année les cas cliniques dans les Cahiers d’ophtalmologie.
Aspect réglementaire
Pour clore la session, des aspects réglementaires ont été exposés par le Dr Thierry Bour. L’arrêté du 25 janvier 2023, qui fixe les contre-indications à la prescription de verres correcteurs et la réalisation d’un bilan visuel par un orthoptiste, a été publié, celui concernant les lentilles de contact reste encore en suspens. La myopie est un sujet d’actualité, et notamment la freination myopique. Un codage spécifique pour la mesure de la longueur axiale utilisé seul ou en association est possible.
Nouveauté 2023 : les ateliers pratiques de contactologie
Au niveau des wetlabs, des ateliers pratiques de contactologie ont permis aux participants d’adapter en direct des volontaires en lentilles souples sphériques et toriques, en lentilles multifocales et en LRPG. Une formation personnalisée qui permettra aux ophtalmologistes de mieux adapter leurs patients au quotidien grâce à l’expérience « patients » et aux astuces données par les formateurs.