La PEHCR, une nouvelle entité ?
M. H., 72 ans, ayant pour antécédent une hypertension artérielle traitée, a consulté pour une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche apparue 3 semaines plus tôt. Il ne présentait aucun antécédent ophtalmologique notable.
Observation
À l’examen clinique d’entrée, l’acuité visuelle corrigée était de 9/10 à l’œil droit et de 1/10 à l’œil gauche. L’examen du segment antérieur à la lampe à fente était sans particularité et la pression intraoculaire normale aux 2 yeux.
L’examen du fond d’œil droit retrouvait un nævus choroïdien au niveau de l’arcade vasculaire inférieure. À l’œil gauche, on notait en périphérie inférotemporale une volumineuse plage hémorragique accompagnée d’exsudats lipidiques, de liquide sous-rétinien et d’une plage d’atrophie périphérique (figure 1).
Une angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine (ICG) ultra grand champ et 55° a été réalisée devant ce tableau clinique.
L’angiographie à la fluorescéine de l’œil gauche retrouvait un effet masque présent dès les temps précoces, avec un blocage de la diffusion choroïdienne au niveau des plages hémorragiques. Il était également retrouvé un effet fenêtre avec visualisation d’une zone d’atrophie en périphérie temporale, ainsi que des altérations de l’épithélium pigmentaire (figure 2).
Sur l’angiographie en ICG, des altérations de la vascularisation choroïdienne périphérique ressemblant à celles retrouvées dans la vasculopathie polypoïdale, avec une irrégularité du réseau vasculaire choroïdien et de multiples foci hyperfluorescents (polyp-like spots) au bord du décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) hémorragique, étaient visualisés (figure 3).
Sur les clichés de 55°, une diffusion bien circonscrite et délimitée était visible au niveau maculaire. On notait également la présence de pin points en temporal de cette diffusion, avec la visualisation d’une plaque hyperfluorescente tardive en ICG.
Sur les clichés OCT, on observait la présence d’une néovascularisation choroïdienne mixte avec des logettes intrarétiniennes exsudatives (figure 4A).
Les coupes OCT sur les lésions périphériques retrouvaient un DEP hémorragique accompagné d’un décollement séreux rétinien et d’exsudats (figure 4B). L’OCT-A permettait de confirmer la présence d’une néovascularisation choroïdienne au niveau maculaire. Les examens d’imagerie de l’œil droit étaient sans particularité.
Le diagnostic d’une choriorétinopathie exsudative hémorragique périphérique associée à une néovascularisation maculaire a été posé.
Discussion
Le terme choriorétinopathie exsudative hémorragique périphérique ou « PEHCR » pour Peripheral Exudative Hemorrhagic Chorioretinopathy n’est pas nouveau. Il a été introduit par Annesley en 1980 [1]. Il définit ainsi cette entité clinique par la présence de lésions choriorétiniennes périphériques à type d’hémorragies sous-rétiniennes ou localisées sous l’épithélium pigmentaire et/ou la présence d’une exsudation sous-rétinienne. La physiopathologie reste à ce jour incertaine. Certains auteurs pensent qu’il pourrait s’agir d’une forme périphérique de DMLA, cependant en angiographie à la fluorescéine et sur les yeux qui ont été analysés histologiquement, une membrane néovasculaire n’a été retrouvée que dans quelques cas [2]. D’autres auteurs émettent l’hypothèse d’une origine physiopathologique commune avec la vasculopathie polypoïdale devant la présentation très hémorragique et exsudative des lésions et de la mise en évidence, dans certains cas, de lésions semblables à des polypes en ICG [3,4].
Cette pathologie touche en général la femme, avec un âge moyen compris entre 77 et 83 ans. La localisation des lésions prédomine en périphérie temporale, notamment en temporal inférieur. Elle est bilatérale dans environ 33% des cas [5]. L’examen du fond d’œil peut retrouver : une hémorragie sous-rétinienne, un DEP hémorragique ou séreux, une déchirure de l’épithélium pigmentaire, une fibrose sous-rétinienne, des exsudations lipidiques.
La régression spontanée est possible, cependant une baisse d’acuité visuelle peut être liée à une hémorragie intravitréenne associée, à une hémorragie ou à un décollement séreux rétinien en rétrofovéal. L’association à une néovascularisation choroïdienne est possible. Même si une régression spontanée peut être observée, un traitement par anti-VEGF, photothérapie dynamique, photocoagulation, cryothérapie, voire vitrectomie, peut être envisageable en fonction du tableau clinique, de la localisation des lésions et de l’atteinte rétrofovéolaire associée [6].
Notre patient a bénéficié de 3 injections intravitréennes d’aflibercept avec une régression des lésions, notamment de l’exsudation maculaire.
Le principal diagnostic différentiel des choriorétinopathies exsudatives hémorragiques périphériques est le mélanome choroïdien. L’échographie B peut être utile en cas de doute diagnostique [5].
Références bibliographiques
[1] Annesley WH Jr. Peripheral exudative hemorrhagic chorioretinopathy. Trans Am Ophthalmol Soc. 1980;78:321-64.
[2] Mantel I, Uffer S, Zografos L. Peripheral exudative hemorrhagic chorioretinopathy: a clinical, angiographic, and histologic study. Am J Ophthalmol. 2009;148(6):932-8.
[3] Goldman DR, Freund KB, McCannel CA, Sarraf D. Peripheral polypoidal choroidal vasculopathy as a cause of peripheral exudative hemorrhagic chorioretinopathy: a report of 10 eyes. Retina. 2013;33(1):48-55.
[4] Mashayekhi A, Shields CL, Shields JA. Peripheral exudative hemorrhagic chorioretinopathy: a variant of polypoidal choroidal vasculopathy? J Ophthalmic Vis Res. 2013;8(3): 264-7.
[5] Shields JA, Mashayekhi A, Ra S, Shields CL. Pseudomelanomas of the posterior uveal tract: the 2006 Taylor R. Smith Lecture. Retina. 2005;25(6):767-71.
[6] Pinarci EY, Kilic I, Bayar SA et al. Clinical characteristics of peripheral exudative hemorrhagic chorioretinopathy and its response to bevacizumab therapy. Eye (Lond). 2013;27(1):111-2.