Lentilles toriques : souples ou rigides chez l’astigmate ?

L’adaptation en lentilles toriques chez les patients astigmates est un processus précis qui nécessite souvent une réflexion spécifique quant au choix du type de lentilles (souples ou rigides) ou aux modalités. Le choix entre une lentille rigide et une lentille souple dépend de plusieurs facteurs tels que le type et la sévérité de l’astigmatisme, la correction, le confort, le style de vie et les préférences personnelles du patient.

Bien définir l’astigmatisme

En ophtalmologie, l’astigmatisme est un défaut optique fréquent correspondant à une amétropie dite cylindrique, qui peut être associé aux amétropies classiques dites sphériques (myopie ou hypermétropie), responsable d’un flou visuel handicapant. Avant de pouvoir adapter un patient astigmate en lentilles, il faut avant tout mieux comprendre les notions sur l’astigmatisme afin d’ajuster au mieux le type de lentilles. Ainsi l’astigmatisme peut être classé en fonction de sa sévérité, son type, sa régularité, sa forme et son axe.

Sévérité

Astigmatisme faible : la correction nécessaire est inférieure à 1,75 dioptries (D).
Astigmatisme modéré : la correction nécessaire est comprise entre 1,75 et 2,75 D.
Astigmatisme élevé : la correction nécessaire est supérieure à 2,75 D.
Un astigmatisme allant jusqu’à -0,50 (à 180°) est considéré comme physiologique et peut être négligé.
Cependant, il est important de noter que la classification de l’astigmatisme en fonction de sa sévérité peut varier selon des critères utilisés par le praticien.

Type

L’astigmatisme cornéen correspond à la différence de focales entre les 2 méridiens de la face antérieure de la cornée.
L’astigmatisme interne est un astigmatisme secondaire aux composantes internes de l’œil responsables de focales différentes (face postérieure de la cornée, face antérieure du cristallin, face postérieure du cristallin, segment postérieur).
L’astigmatisme total correspond à la somme des différents dioptres de l’œil, ainsi l’astigmatisme cornéen + l’astigmatisme interne mesuré grâce à la réfraction.
À noter que les lentilles rigides corrigent l’astigmatisme cornéen (par ménisque de larmes), tandis que les lentilles souples toriques corrigent l’astigmatisme total.

Régularité

L’astigmatisme peut être régulier (courbures symétriques en forme de sablier avec axe linéaire), c’est-à-dire corrigible en lunettes, ou bien irrégulier (courbures non symétriques avec axe non linéaire), responsable d’aberrations optiques de haut degré qui ne sont pas corrigibles par les verres de lunettes (ex. : kératocône, postchirurgie, traumatisme cornéen, cicatrices cornéennes). Le recours à la topographie cornéenne peut être nécessaire pour discriminer cela.

Forme et axe

On distingue l’astigmatisme direct (ou conforme « with the rule »), correspondant à une courbure plus prononcée des méridiens verticaux de la cornée (ou du cristallin). Il se traduit par un axe aux alentours de 180° au moment de la réfraction. Au contraire, un astigmatisme indirect ou inverse (ou non conforme « against the rule ») correspond à une courbure moins prononcée des méridiens verticaux de la cornée (ou du cristallin). Il se traduit par un axe aux alentours de 90° au moment de la réfraction. Un astigmatisme inverse est plus pénalisant qu’un direct lorsqu’il n’est pas corrigé en vision de loin (environ 1,5 fois plus) ; cependant il offre une meilleure profondeur de champ en vision de près.

Critères de choix

Après avoir bien défini les différents paramètres de l’astigmatisme, la réfraction est une étape primordiale à ne pas négliger. Il convient de rechercher le plus faible cylindre (négatif) pour le patient et en compensant en majorant la sphère. Habituellement, le choix entre une lentille souple ou une lentille rigide pour un patient astigmate dépend de plusieurs facteurs tels que la puissance de l’astigmatisme, la forme et la courbure de la cornée, le type d’astigmatisme cornéen et/ou interne, les habitudes de port du patient, les préférences personnelles, la sensibilité oculaire ainsi que les activités quotidiennes et le budget du patient.
Les lentilles souples toriques, qui corrigent donc l’astigmatisme total, sont souvent plus confortables et seront préférées pour la correction d’astigmatisme légers à modérés. Elles peuvent également être plus pratiques pour les activités sportives ou les loisirs en plein air (moins de risque de perte).
Les lentilles rigides sont généralement recommandées pour les astigmatismes plus importants ou pour les yeux présentant une cornée irrégulière (kératocône, greffe de cornée, kératotomie radiaire, séquelles d’abcès, traumatisme, postchirurgie) car elles fournissent une meilleure correction optique et qualité visuelle. Leur renouvellement est classiquement annuel.

Lentilles souples : principes, avantages et inconvénients

La fréquence des lentilles souples toriques reste à définir en fonction des activités du patient (journalières, bimensuelles, mensuelles). Pour le matériau, il est préférable de choisir le silicone hydrogel avec un Dk/e important pour assurer une meilleure oxygénation cornéenne. Plus la fréquence de renouvellement est importante, moins il y aura de risque infectieux. Les lentilles trimestrielles, voire annuelles, ne doivent plus être utilisées en première intention par rapport à ce risque.
Il convient de privilégier les lentilles souples toriques pour les astigmatismes réguliers, faibles à modérés, dont les axes sont proches de 0 ou 90°, en plus des astigmatismes postérieurs ou mixtes, mais les gammes disponibles sur le marché permettent d’adapter tous les axes. Elles sont également conseillées pour les sujets à motivation sportive ou en recherche de confort.
Les lentilles souples sont réputées pour être plus confortables au départ. Elles sont également facilement accessibles dans le commerce.
Pour l’adaptation en termes de réfraction, en principe le cylindre est corrigé de manière moins importante qu’en lunettes chez les myopes, alors que chez les hypermétropes c’est l’inverse. Une variation de 10° pour le plus petit cylindre peut être tolérée, cependant pour les astigmatismes sévères ou obliques l’adaptation doit être d’autant plus précise pour limiter le risque de baisse de vision.
Enfin, il existe plusieurs systèmes de stabilisation des lentilles souples toriques comme le ballastage en périballast (périphérique) ou prisme-ballast (centrale), la stabilisation dynamique, par quadrants, ou encore par tension à choisir selon l’axe et le type d’astigmatisme.

Lentilles rigides : principes, avantages et inconvénients

La fréquence de renouvellement des lentilles rigides perméables au gaz (LRPG) varie habituellement de 12 à 18 mois, parfois moins dans certains contextes particuliers. Une lentille rigide sphérique permet la correction d’un astigmatisme cornéen régulier jusqu’à 2,25 D grâce au ménisque de larmes qui compense l’astigmatisme de la face antérieure de la cornée.
En cas d’astigmatisme cornéen supérieur à 2,25 D, les lentilles rigides toriques internes seront à privilégier afin d’obtenir une meilleure stabilité. Les LRPG offrent une meilleure qualité visuelle et garantissent souvent une meilleure oxygénation cornéenne que les lentilles souples, présentent moins de risque infectieux en cas de « négligence », offrant ainsi une grande sécurité d’emploi, ce qui incite souvent à les recommander pour l’équipement des enfants.
Il convient donc de privilégier l’adaptation en lentilles rigides pour les astigmatismes irréguliers, (kératocône, postkératotomie radiaire, séquelles d’une infection cornéenne), les sécheresses oculaires dites « vraies », les fortes amétropies ou les astigmatismes cornéens forts, les patients souhaitant un port permanent sécuritaire ou ayant une profession nécessitant une acuité visuelle performante sans fluctuation. À noter également que les LRPG doivent être privilégiées pour les sujets présentant des fentes palpébrales larges et/ou des paupières atones.
Les LRPG peuvent nécessiter une période d’adaptation plus longue que les lentilles souples toriques, avec un confort initial moindre, mais ont une durée de vie plus longue.
Enfin les LRPG toriques existent en différentes géométries (torique interne, torique externe, bitorique, multifocale).
Les lentilles hybrides qui sont composées d’une LRPG au centre et d’une jupe souple en périphérie sont parfois une alternative de choix en cas d’instabilité ou d’inconfort. Toutes ces lentilles offrent la possibilité de personnaliser l’adaptation en fonction du profil du patient.

Conclusion

Le choix entre une lentille souple ou une lentille rigide pour un patient astigmate dépend de nombreux facteurs, comme la sévérité de l’astigmatisme, la forme de la cornée, les habitudes et préférences personnelles du patient, ainsi que ses activités quotidiennes. Les lentilles souples toriques permettent un confort immédiat et une facilité d’adaptation, même si elles ne peuvent pas fournir une correction aussi importante et/ou précise que les lentilles rigides toriques. Ces dernières offrent une correction plus précise couvrant des amétropies plus fortes avec une stabilité améliorée, mais nécessitent souvent une période d’adaptation plus longue et peuvent être perçues comme moins confortables par certains patients. Le choix du type de lentille doit en fin de compte être réalisé en collaboration avec le patient en fonction de ses besoins individuels et l’examen du praticien. 

Auteurs

  • Adrien Mazharian

    Ophtalmologiste

    Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris

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