Microscopie confocale et sécheresse oculaire
L’imagerie confocale in vivo (IVCM), examen non invasif et rapide avec une résolution de l’ordre de l’histologique, est devenue une des techniques de référence pour étudier la surface oculaire. L’examen en IVCM est réalisé en focalisant un laser sur un point focal de la cornée périodiquement déplacé sur le point focal adjacent par un système de miroir oscillant. L’appareil peut alors scanner une section coronale de l’ensemble de la surface examinée [1]. L’étude de la surface oculaire en IVCM permet d’étudier un tissu vivant à un niveau cellulaire, et ainsi de mieux préciser les altérations morphologiques des tissus de la surface oculaire dans le cas d’une sécheresse oculaire.
Épithélium cornéen
L’épithélium cornéen joue un rôle important dans l’homéostasie de la surface oculaire et agit comme une barrière contre les différents agents pathogènes. Plusieurs études se sont intéressées à la densité des cellules épithéliales et à leurs anomalies morphologiques. Une diminution de la densité de ces cellules dans la sécheresse oculaire a été démontrée dans plusieurs études, notamment au niveau des couches épithéliales superficielles et intermédiaires [2].
Nerfs cornéens
Les nerfs cornéens ont un effet trophique sur l’épithélium cornéen, notamment via la production du Nerve Growth Factor (NGF) qui régule la prolifération des cellules épithéliales et leur intégrité. Ils sont par ailleurs responsables du clignement et du larmoiement réflexe.
Dans la cornée, les nerfs se réunissent en plexus nerveux sous-basal entre la membrane basale épithéliale et la membrane de Bowman. Ils se dirigent vers le centre de la cornée de manière centripète, envoyant des rameaux verticaux donnant les terminaisons nerveuses intraépithéliales.
Même si la plupart des études s’accordent sur une diminution de la densité des nerfs du plexus sous-basal dans la sécheresse oculaire, certains résultats contradictoires ne retrouvent pas de diminution de densité de ces derniers par rapport à des sujets contrôles.
En nous intéressant plus particulièrement au syndrome de Gougerot-Sjögren, nous avons mis en évidence une diminution significative de la densité des nerfs du plexus sous-basal chez ces sujets par rapport à des sujets contrôles, mais également par rapport à des sujets atteints d’une sécheresse oculaire dans le cadre d’une dysfonction des glandes de Meibomius (figure 2) [3].
En revanche, toutes les études s’accordent sur la présence d’anomalies morphologiques des nerfs dans la sécheresse oculaire : augmentation de leur tortuosité et modification de leur réflectivité (selon les échelles Oliveira-Soto et Efron), apparition de névromes (figure 3). Ces névromes, masse enchevêtrée désorganisée d’axones, de cellules de Schwann et de fibroblastes périneuraux, proviennent d’une tentative infructueuse de rétablissement de la continuité axonale faisant suite à une perturbation d’axones anormaux, et peuvent engendrer des douleurs neuropathiques réfractaires sévères.
Cellules inflammatoires
Les cellules inflammatoires dendritiques jouent un rôle important dans l’activation des lymphocytes T et de l’inflammation. Elles sont généralement retrouvées autour de la couche des nerfs du plexus sous-basal et augmentent du centre vers la périphérie de la cornée chez le sujet sain. De nombreuses études ont montré une augmentation significative de la densité des cellules inflammatoires en cornée centrale et périphérique chez les patients souffrant d’une sécheresse oculaire (figure 4) [3].
Conjonctive
Les différentes études réalisées s’accordent à retrouver dans la sécheresse oculaire une hausse de la densité des cellules inflammatoires et une baisse de la densité des cellules caliciformes, responsables de la couche muqueuse des larmes, ce qui participe ainsi au cercle vicieux de la sécheresse oculaire. Dans le syndrome de Gougerot- Sjögren, une métaplasie squameuse avec une augmentation de la taille des cellules épithéliales et une diminution du rapport nucléo-cytoplasmique a été observée [2].
Conclusion
En étudiant la surface oculaire à un niveau cellulaire, la microscopie confocale in vivo permet de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques complexes impliqués dans la sécheresse oculaire et donc de développer de nouvelles thérapeutiques.
Références bibliographiques
[1] Baudouin C, Labbé A, Dupas B. [Imaging the ocular surface with confocal microscopy: histology without samples]. J Fr Ophtalmol. 2008;31(3):308-16.
[2] Villani E, Baudouin C, Efron N et al. In vivo confocal microscopy of the ocular surface: from bench to bedside. Curr Eye Res. 2014;39(3):213-31.
[3] Luzu J, Labbé A, Réaux-Le Goazigo A et al. In vivo confocal microscopic study of corneal innervation in Sjögren’s Syndrome with or without small fiber neuropathy. Ocul Surf. 2022;25:155-62.