Modalités d’administration et résultats de l’implant Iluvien® dans la vraie vie

Ces dernières années ont vu l’émergence de nouvelles thérapeutiques pharmacologiques intravitréennes. De plus en plus, l’intérêt de la durabilité dans l’efficacité thérapeutique devient incontournable pour limiter les fluctuations d’acuité visuelle des patients et le fardeau thérapeutique associé à des injections multiples rapprochées. Parmi ces nouvelles thérapeutiques, l’implant d’acétate de fluocinolone (FAc) nous autorise à espérer qu’une thérapeutique cortisonique prolongée pourrait être obtenue sur plusieurs années. Comment se présente et se manipule le dispositif ? Quelles indications aujourd’hui ? Quelle cinétique attendre pour son efficacité ? Et, enfin, quels effets secondaires craindre ? Nous essayons de répondre à ces questions pratiques dans cet article.

Présentation et administration

L’implant d’acétonide de fluocinolone (FAc) Iluvien® est un implant cortisonique à usage intraoculaire permettant une libération prolongée (jusqu’à 36 mois) du processus actif dans la cavité vitréenne [1,2]. C’est un puissant agoniste des récepteurs aux corticoïdes, faiblement hydrosoluble et fortement liposoluble. Il se présente sous la forme d’un stylo préchargé permettant de délivrer le médicament au cours d’une injection intravitréenne 25 G (figure 1A-B). En pratique, il faut vérifier la présence de l’implant dans la fenêtre d’injection, engager l’implant jusqu’à la butée, ne pas tunnéliser (contrairement à l’injection d’implant de dexaméthasone [Dex-i ; Ozurdex®]) mais simplement décaler la conjonctive lors de l’injection. Il faut veiller à ne pas retirer rapidement l’aiguille mais à la laisser environ 5 secondes dans l’œil, le temps que l’implant sorte correctement et soit déposé dans la base du vitré – contrairement au Dex-i, l’implant n’est pas projeté au centre de la cavité vitréenne. L’implant en lui-même se présente sous la forme d’un tube cylindrique non biodégradable et non érodable (à la différence du Dex-i), de couleur marron clair, de 3,5 mm de longueur et 0,37 mm de diamètre – soit 2 fois plus petit que Dex-i (figure 1B-D). Il contient 190 µg de fluocinolone et libère 0,2 µg par jour dans le vitré jusqu’à 3 ans [1,2]. L’extrémité antérieure du tube est enduite de colle silicone et l’extrémité postérieure de PVA (alcool polyvinylique). Cette dernière, perméable, contrôle la libération du FAc dans le vitré [1]. C’est elle qui pénètre en premier dans l’œil lors de l’injection (figure 1C) [1]. 

Indications pour le FAc fin 2022 en France

L’implant FAc a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) « dans le traitement de la perte d’acuité visuelle associée à l’œdème maculaire diabétique chronique lorsque la réponse aux traitements disponibles est jugée insuffisante » et dans « la prévention de la rechute de l’uvéite non infectieuse récidivante » [1]. Il trouve sa place, dans le cadre de l’œdème maculaire diabétique (OMD), chez les patients ayant un œdème maculaire chronique dans le cas d’une réponse insuffisante au traitement par injections intravitréennes d’anti-VEGF et/ou laser focal, et dans celui d’une réponse favorable par injection intravitréenne de dexaméthasone et nécessitant des injections répétées et rapprochées de Dex-i (figure 2).

Il n’est pas recommandé d’administrer l’implant FAc dans le cas d’un glaucome avancé préexistant ou d’antécédents d’hypertonie (HTO) mal contrôlée sous Dex-i. Des patients avec une HTO ou un glaucome peu sévère bien contrôlés sous monothérapie hypotonisante peuvent en revanche en bénéficier [1]. L’administration simultanée dans les 2 yeux n’est pas recommandée [1].

Efficacité : résultats à attendre et cinétique

Campochiaro et al. ont décrit la pharmacocinétique et la pharmacodynamie de l’implant FAc dans l’étude FAMOUS [3]. L’efficacité de cet implant se voit ainsi dès le troisième mois, avec un pic d’efficacité aux alentours du sixième mois [3]. Elle est donc, contrairement à celle du Dex-i, décalée dans le temps. En effet, le Dex-i permet un bolus sur les 2-3 premiers mois, puis une diminution exponentielle de sa concentration est observée jusqu’au sixième mois [2].L’implant FAc permet au contraire une libération pulsatile progressive qui se stabilise à la fin du premier semestre et pour 36 mois [2].
La sécurité et l’efficacité de l’implant ont été évaluées dans les essais FAME A et B (Fluocinolone acetonide for diabetic macular edema), qui étaient des essais cliniques de phase III multicentriques, prospectifs, randomisés, à double insu, contrôlés [4]. Dans ces études jumelles, 28,7% des patients présentaient à 36 mois un gain supérieur ou égal à 15 lettres (MAVAC), vs 18,9% dans le groupe témoin (p < 0,001). Cet effet a été confirmé par les études de vraie vie, avec notamment l’étude IRISS [5] qui retrouve une stabilité globale ou une amélioration de l’acuité visuelle (AV) chez 81% des patients à 6 mois et chez 75% à 12 mois. Ces résultats sont comparables à ceux de l’étude FAME. L’étude IRISS a également montré une meilleure efficacité dans l’OMD récent (moins de 3 ans d’évolution) et lorsque l’AV initiale était bonne. Par ailleurs, l’étude USER [6] a montré que l’allègement du fardeau thérapeutique sous FAc était plus important chez les patients présentant une bonne AV initiale avant l’implantation. Plus l’AV initiale est bonne, plus l’intervalle de réinjection est augmenté.

Des effets secondaires maîtrisés

L’effet indésirable le plus fréquemment observé est la cataracte (42,7% vs 9,7% dans le groupe contrôle dans FAME à 12 mois post-administration). Chez le patient phake, la chirurgie de la cataracte sera quasi inéluctable après l’injection d’un implant FAc.
L’autre effet redouté associé aux corticostéroïdes reste l’augmentation de la pression intraoculaire (PIO). Dans les études FAME, 37,1% d’HTO ont été observés vs 11,9% dans le groupe contrôle, avec recours à la chirurgie filtrante dans 4,8% des cas et à la trabéculoplastie sélective au laser (SLT) dans 1,3% des cas, alors même que tous les patients souffrant d’un glaucome et d’une HTO préalable avaient été exclus.
Depuis cependant, de nombreuses études nous ont rassurés sur la tolérance tensionnelle du dispositif. Dans l’étude MEDISOFT, la PIO augmentait en moyenne de 3,1 mmHg la première année, puis diminuait entre M12 et M30 [7]. La pression restait inférieure à 21 mmHg en moyenne tout au long de l’étude. Dans l’étude USER, qui présente le profil des patients avant et après une implantation FAc, les taux d’événements pressionnels restent également comparables à ceux des études pivotales [6]. Les variations de la PIO dans l’étude USER étaient similaires avant et après l’administration de l’implant FAc, ce qui indique que celui-ci n’a pas entraîné d’augmentation de l’incidence d’hypertonie supérieure à celle observée avec un traitement stéroïdien préalable ; les incidences de la trabéculoplastie laser et de la chirurgie filtrante étaient similaires après l’administration de l’implant FAc par rapport à la préadministration (1,3% vs 1,9% et 1,3% vs 1,3%, respectivement).
Finalement, après l’injection de l’implant FAc, la PIO augmente entre le troisième et le douzième mois puis décroît entre le douzième et le trentième. L’étude IRISS [5] a confirmé ce résultat et calculé que le délai moyen de mise en place d’un traitement hypotonisant était de 8 mois, avec un pic d’hypertonie au douzième mois puis une décroissance de la PIO ensuite. Le plus intéressant, et peut être le plus rassurant, est qu’il semble possible de prédire l’élévation de la PIO sous FAc. En effet, les études MEDISOFT et USER ont montré que la réponse à l’injection préalable de Dex-i avait une bonne valeur prédictive positive (VPP) quant à la tolérance pressionnelle future de l’implant FAc [6,7]. Ainsi, si aucun épisode de PIO supérieur à 25 mmHg sous Dex-i ne survient, il n’y a alors que peu de risques d’observer un épisode d’HTO supérieur à 25 mmHg après un implant FAc [6]. Ces résultats sont confirmés par l’étude PALADIN qui retrouve une VPP de près de 80% en cas d’absence d’HTO après une injection de Dex-i [8].
Au total, la tolérance pressionnelle de l’implant FAc est bonne dans les études pivotales et cela est confirmé par les études de vraie vie, mais elle nécessite une sélection rigoureuse, avec un test préalable aux corticoïdes (test intravitréen par Dex-i), et d’écarter les patients avec une HTO mal équilibrée sous monothérapie. Il est également nécessaire de rester vigilant après l’injection d’un implant FAc et de suivre la PIO tous les 3 mois, en restant particulièrement vigilant au cours du deuxième semestre après l’injection.

En pratique, comment passer à l’injection FAc ?

Le patient cible pour le FAc aujourd’hui est le sujet présentant un œdème corticosensible et corticodépendant, avec des intervalles réduits entre 2 injections de Dex-i. De manière à optimiser l’efficacité du traitement, le moment de l’injection du FAc reste important. Des études conduites par le Club francophone des spécialistes de la rétine [9] et le CHU de Nantes (travaux en cours de soumission) montrent l’intérêt de synchroniser les injections de Dex-i et leur relais par FAc. Un délai de 4 à 6 semaines semblerait le plus adapté pour permettre un assèchement efficace et durable chez nos patients.

Conclusion

L’allègement du fardeau thérapeutique après l’injection d’un implant FAc est considérable, avec un allongement de l’intervalle entre les traitements et une diminution du nombre de visites médicales et de traitements nécessaires [8]. En permettant d’atteindre une durabilité de l’effet corticostéroïde jusqu’à 3 ans [1,2], l’implant FAc limite les fluctuations d’épaississements rétiniens qui pénalisent grandement l’AV sur le long terme [8]. Un contrôle de la PIO tous les 3 mois la première année reste néanmoins nécessaire.

Références bibliographiques
[1] ILUVIEN summary of product characteristics. Aldershot, United Kingdom: Alimera Sciences F Limited; 2013. Available at: https:// www.medicines.org.uk/emc/medicine/27636.Accessed July 28, 2015.
[2] Whitcup SM, Cidlowski JA, Csaky KG, Ambati J. Pharmacology of corticosteroids for diabetic macular edema. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2018;59(1):1-12.
[3] Campochiaro PA, Brown DM, Pearson A et al. Long-term benefit of sustained-delivery fluocinolone acetonide vitreous inserts for diabetic macular edema. Ophthalmology. 2011;118(4):626-35.e2.
[4] Holden SE, Kapik B, Beiderbeck AB, Currie CJ. Comparison of data characterizing the clinical effectiveness of the fluocinolone intravitreal implant (ILUVIEN) in patients with diabetic macular edema from the real world, non-interventional ICE-UK study and the FAME randomized controlled trials. Curr Med Res Opin. 2019;35(7):1165-76.
[5] Chakravarthy U et al. Changes in intraocular pressure after intravitreal fluocinolone acetonide (ILUVIEN): real-world experience in three European countries. Br J Ophthalmol. 2019;103(8): 1072-7.
[6] Eaton A, Koh SS, Jimenez J, Riemann CD. The USER study: A chart review of patients receiving a 0.2 µg/day fluocinolone acetonide implant for diabetic macular edema. Ophthalmol Ther. 2019;8(1):51-62.
[7] Bailey C, Chakravarthy U, Lotery A, Menon G. Extended real-world experience with the ILUVIEN® (fluocinolone acetonide) implant in the United Kingdom: 3-year results from the Medisoft® audit study. Eye (Lond). 2022;36(5):1012-8.
[8] Mansour SE, Kiernan DF, Roth DB, Eichenbaum D. Two-year interim safety results of the 0.2 µg/day fluocinolone acetonide intravitreal implant for the treatment of diabetic macular oedema: the observational PALADIN study. Br J Ophthalmol. 2021;105(3):414-9.
[9] Baillif S et al. Management of Patients with Diabetic Macular Edema Switched from Dexamethasone Intravitreal Implant to Fluocinolone Acetonide Intravitreal Implant. Pharmaceutics. 2022;14  (11):10.3390/pharmaceutics14112391.

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