Myopie syndromique

La myopie peut être un des symptômes d’une maladie syndromique. La maladie syndromique peut être systémique (Marfan, Stickler…) ou oculaire pure (choroïdérémie, Wagner…). L’enjeu est, particulièrement chez l’enfant en bas âge, de ne pas méconnaître un syndrome dont le diagnostic précoce peut améliorer son pronostic général. Les seuils de définition de la myopie forte ne sont pas les mêmes chez l’adulte et chez l’enfant, et on peut retenir le seuil de -4 D avant l’âge de 8 ans. De manière générale, devant une myopie d’apparition précoce avant l’âge de 4 ans, il peut être intéressant de demander la réalisation d’un examen clinique par un pédiatre ou un médecin généraliste alerté.
Sur le plan ophtalmologique, les myopies syndromiques présentent 2 particularités : elles sont moins évolutives que les myopies isolées mais d’apparition précoce avant l’âge de 4 ans, et elles donnent peu de staphylomes mais peuvent être à haut risque de décollement de rétine du fait de fragilité de la périphérie rétinienne. Sur le plan ophtalmologique, un examen minutieux du segment antérieur recherchera une transillumination irienne, une sphérophakie, un phacodonésis ou une luxation du cristallin. L’examen du vitré recherchera de la structure du vitréenne en faveur d’une dysplasie vitréo-rétinienne (Stickler, Wagner). Il sera présenté particulièrement la maladie de Marfan et le syndrome de Stickler, qui sont les 2 myopies syndromiques les plus fréquentes. Les autres syndromes seront résumés dans le tableau.
Maladie de Marfan
Le diagnostic de la maladie de Marfan est régulièrement réalisé par l’ophtalmologiste devant la caractéristique ectopie du cristallin. Celle-ci n’est cependant pas constante. La maladie est autosomique dominante et la prévalence de la maladie est de 1/5 000. La pénétrance et les symptômes sont très variables, y compris au sein d’une même famille. Les signes squelettiques vont souvent servir de points d’appel : arachnodactylie (longueur excessive des extrémités), grande taille, hypermobilité articulaire, scoliose. Comme dans le syndrome de Stickler, une hypoplasie malaire et un micrognatisme peuvent être retrouvés. Le séquençage génétique peut être long et on recherchera les atteintes cardiologiques qui vont faire la gravité systémique de la maladie (dilatation progressive de l’aorte avec risque de dissection aortique et insuffisance mitrale). Sur le plan ophtalmologique, contrairement aux autres myopies syndromiques, la myopie est évolutive mais l’accroissement du globe reste harmonieux, sans staphylome. Dans le cas d’une luxation du cristallin, le bloc pupillaire et la luxation en chambre antérieure sont rares, pouvant faire tolérer une petite ectopie dont l’astigmatisme engendré peut être corrigé par le port de lunettes ou de lentilles. Si la luxation est plus importante, nous recommandons l’ablation totale du sac cristallinien avec l’ablation du cristallin au vitréotome, afin de réduire le surrisque de décollement de la rétine dû aux tractions engendrées par une repousse cristallinienne. Du fait de la fréquence trop importante des luxations d’implants, quel que soit le mode de fixation, le jeune enfant sera souvent laissé aphake et équipé en lentilles rigides. Une implantation secondaire pourra être discutée chez le jeune adulte mais les manipulations intraoculaires des implants fixés à la sclère ou clippés à l’iris peuvent majorer le risque de décollement de la rétine et la fixation reste fragile du fait d’une sclère fine et de l’hypoplasie irienne. Les caractéristiques des décollements de la rétine sont similaires à celles du myope fort, leur fréquence est estimée de 10 à 25% sur la vie d’un patient.
Syndrome de Stickler
Le syndrome de Stickler, autosomique dominant, plus rare que la maladie de Marfan (1/7 500 à 1/9 000) reste néanmoins la deuxième cause de myopie syndromique. Le diagnostic est souvent réalisé devant une myopie précoce peu évolutive, associée à des modifications du gel vitréen et des anomalies faciales caractéristiques. L’aspect du vitré puis la confirmation génétique permettent de différencier 2 types : le type 1, avec un vitré vestigial dense en postérieur du cristallin avec une membrane plissée, et le type 2, avec des fibres éparses et la présence de voiles prérétiniens (fibres de vitré fortement enchâssées dans la rétine). Les anomalies faciales caractéristiques sont la séquence de Pierre-Robin souvent incomplète (rétrognatisme, glossoptôse, fente vélopalatine) et une hypoplasie médiofaciale. La confirmation génétique est rapide et la recherche d’une atteinte auditive pouvant nécessiter un traitement devra être réalisée. Les patients présentent également fréquemment des anomalies articulaires : hypermobilité articulaire, scoliose, dysplasie épiphysaire ; une arthrose précoce à l’âge adulte est fréquente. La survenue, chez plus de 50% des patients, d’un décollement de la rétine fait discuter la réalisation d’un traitement préventif. Les décollements de la rétine survenant essentiellement après l’âge de 12 ans, l’âge proposé pour la réalisation du traitement préventif est habituellement de 8 ans mais il peut être effectué plus tôt en présence de lésions rétiniennes particulièrement à risque. La modalité du traitement préventif reste discutée. Le relâchement dans le temps d’une indentation circulaire de type bande de Morin semble faire préférer un traitement par pexie à l’aide d’un laser externe avec indentation ou d’une cryothérapie. Certains auteurs préconisent un laser extensif allant jusqu’à l’équateur, avec un cloutage de la rétine en avant du barrage laser. Si un décollement de la rétine survient, les déchirures géantes et la survenue de prolifération vitréo-rétinienne sont fréquents, diminuant les chances de succès du traitement.
Pour aller plus loin
Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Syndrome de Marfan et apparentés. Haute Autorité de santé. 2018.
Caputo G, Metge F, Arndt C, Conrath J. Décollements de rétine. Rapport de la Société française d’ophtalmologie (SFO). Elsevier Masson. 2011.
Linton E, Jalil A, Sergouniotis P et al. Laser prophyklaxis in stickler syndrome: the Manchester protocol. Retina. 2023;43(1):88-93.
Ripandelli G, Rossi T, Pesci FR et al. The prophylaxis of fellow-eye retinal detachment in stickler syndrome: a retrospective series. Retina. 2022;42(2):250-5.