Optimisation des traitements dans la DMLAn : vers un nouveau champ de vision ?
Symposium Roche

Le laboratoire Roche a mis à disposition en France depuis plus de 1 an le faricimab, qui a obtenu son AMM et le remboursement dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge néovasculaire (DMLAn), l’œdème maculaire diabétique (OMD), et bientôt dans les occlusions veineuses rétiniennes – OVR, AMM obtenue en juillet 2024, en attente de remboursement. Le but de ce symposium est de faire le lien entre les résultats obtenus dans les études cliniques pivotales et ceux de la vraie vie, que ce soit au niveau national mais aussi international, où le produit est disponible depuis plusieurs années. Il est à noter que le résumé des caractéristiques du produit (RCP) du faricimab a récemment été modifié, avec une diminution de la dose de charge recommandée en DMLAn qui est passée de 4 à 3 injections intravitréennes (IVT) mensuelles. Ainsi le protocole de traitement est identique à celui des précédentes molécules utilisées dans cette pathologie.
Résultats de vraie vie au niveau international : cohorte de DMLAn naïve du Moorfields (UK)
D’après l’intervention du Dr Élodie Bousquet
Cette présentation détaille les résultats d’une étude de vraie vie réalisée au Moorfields Eye Hospital (UK) sur 141 yeux avec une DMLAn naïve de tout traitement, et suivis pendant 2 ans. Les patients ont tous bénéficié d’une dose de charge de 4 IVT de faricimab, suivie d’un protocole de traitement en Treat-and-Extend (T&E). Après les 24 mois de suivi, le gain d’acuité visuelle (AV) moyen était de 4,8 lettres, quasiment identique au gain de 4,4 lettres retrouvé dans les études randomisées TENAYA & LUCERNE après le même suivi. Ce gain fonctionnel a été accompagné d’une réduction de l’œdème maculaire se traduisant par une diminution significative de l’épaisseur centrale rétinienne et une proportion importante de patients secs à 2 ans – 80% de patients sans fluide rétinien.
Concernant le fardeau thérapeutique, les patients ont reçu en moyenne 7 IVT la première année de traitement – incluant la dose de charge de 4 IVT – et 4 l’année suivante. Il est à noter que 80% des patients avaient des intervalles de traitement supérieurs ou égaux à 12 semaines – Q12 – à 2 ans, ce qui est comparable aux études randomisées qui montraient 77,8% d’intervalles supérieurs ou égaux à Q12. De manière intéressante, 27,7% des patients ont pu sortir du protocole de traitement en T&E car ils avaient dépassé les intervalles de Q16, et selon leur protocole, ils pouvaient ne plus être injectés et uniquement surveillés (figure 1).
Ces résultats obtenus dans cette cohorte en Grande-Bretagne reproduisent les résultats obtenus dans d’autres cohortes internationales, et notamment américaines – étude TRUCKEE –, qui ont montré entre autres un assèchement très rapide de la rétine, obtenu dès la première injection pour une majorité de patients.
Résultats de vraie vie au niveau national : cohorte de DMLAn naïve du centre de rétine Gallien (Bordeaux)
D’après l’intervention du Dr Éric Fourmaux
L’auteur rapporte ici les résultats préliminaires après les 3 premières IVT de faricimab chez des patients atteints d’une DMLAn et naïfs de tout traitement, traités au centre rétine Gallien de Bordeaux. Selon le protocole propre à ce centre, les patients ont bénéficié de 2 IVT de faricimab, suivies d’un régime de traitement en T&E avec des espacements de 2 semaines à partir de l’assèchement total de la rétine. Au total, 25 patients ont été inclus dans cette première analyse. Après 3 IVT, le gain moyen d’AV était de 7 lettres, avec une diminution moyenne de l’épaisseur centrale rétinienne de 147 µm. Au total, 10 patients, soit 68%, étaient totalement secs après 1 unique IVT. Seuls deux patients présentaient encore du fluide résiduel après les 3 IVT. Ainsi, l’intervalle moyen d’injection était de Q8 mais il est à noter que 20% des patients avaient des intervalles supérieurs à Q8 malgré la précocité de l’analyse.
L’auteur a donc conclu sur l’efficacité importante et précoce de la molécule, qui a permis d’assécher rapidement les patients atteints d’une DMLAn et ainsi de vite limiter le fardeau thérapeutique grâce au protocole allégé de la dose de charge.
Résultats de vraie vie au niveau national : cohorte de DMLAn switch du CHU de la Croix-Rousse (Lyon)
D’après l’intervention du Pr Laurent Kodjikian
Cette présentation rapporte les résultats en vraie vie d’une cohorte de patients précédemment traités par un anti-VEGF de première génération qui ont été switchés de traitement pour du faricimab. L’originalité de cette étude est l’homogénéité de la population étudiée – uniquement des patients ayant un intervalle de traitement inférieur ou égal à Q8 – et l’harmonisation du protocole de traitement à la suite du switch vers le faricimab – absence de dose de charge et protocole en T&E directement après la première IVT. Deux sous-groupes de patients ont été définis a priori, selon leur réponse à la précédente molécule de première génération : les Poor 1responders (PR), qui correspondent aux patients qui ont encore du fluide malgré des intervalles de traitement à 4 semaines ; et les Frequent Flyers (FF), qui correspondent aux patients secs mais qui nécessitent des intervalles de traitement entre Q4 et Q8.
Au total, 128 yeux ont été inclus. Ceux-ci avaient un historique de DMLAn traitée avec en moyenne 28 IVT sur plus de 2 ans. Pour l’ensemble de la cohorte, le gain moyen d’intervalle était de 2,7 semaines, avec 38,3% des patients qui atteignaient au moins un intervalle de Q8. À noter que 10,2% des yeux ont nécessité un switch du faricimab vers une autre molécule en raison d’une efficacité jugée insuffisante. Dans le détail, le sous-groupe de patient PR – Q4 avec du fluide – gagnait 3,1 semaines avec seulement un tiers des yeux qui étaient encore « bloqués » en Q4, mais aussi un tiers qui ont pu obtenir des extensions supérieures ou égales à Q8. Pour le sous-groupe de patients FF – secs entre Q4 et Q8 –, l’intervalle moyen était augmenté de 2,4 semaines avec 55% de patients atteignant des intervalles supérieurs ou égaux à Q8.
Pour ces patients atteints d’une DMLAn, l’AV était stable après le switch, avec une épaisseur centrale rétinienne qui a légèrement diminué, mais de manière statistiquement significative. Cela s’est traduit par une plus faible prévalence des fluides rétiniens, sans apparition significative de fibrose ou d’atrophie. Enfin, il est à noter qu’aucun facteur prédictif n’a été retrouvé permettant de prédire l’extension des intervalles chez un patient déjà traité par une molécule de première génération, et qui va être switché par le faricimab.
L’auteur conclut donc sur l’efficacité supplémentaire du faricimab chez des patients déjà traités pour une DMLAn, qui peut être en lien avec le double mécanisme d’action de la molécule agissant sur l’angiopoïétine 2 (Ang-2) et le VEGF. L’absence de phase d’induction a permis de réduire le fardeau thérapeutique des patients en augmentant rapidement l’intervalle de traitement, de manière équivalente aux autres études internationales sur le switch vers le faricimab. L’absence de corrélation entre les caractéristiques des patients et l’augmentation de l’intervalle après le switch vers le faricimab permet de proposer cette modification thérapeutique chez tout type de patients.
Sécurité des injections intravitréennes de faricimab
D’après l’intervention du Pr Stéphanie Baillif
Avec la mise sur le marché de nouvelles molécules, la question se pose de la modification du parcours patient afin de surveiller l’apparition de potentiels effets secondaires. Ainsi, il est recommandé à tout patient recevant une nouvelle molécule d’être attentif aux signes précoces d’inflammation oculaire. Une éducation spécifique doit être apportée à ces patients, notamment sur leur vigilance envers les symptômes suivants : myodésopsies, douleurs, baisse d’AV.
Dans les études pivotales randomisées évaluant le faricimab et incluant plus de 3 000 patients, les effets secondaires de la molécule à l’essai étaient similaires à ceux du comparateur. Il est à noter que dans ces études, le taux d’inflammation intraoculaire était comparable entre le faricimab et l’aflibercept 2 mg dans la DMLAn – 30% vs 2,3% – et l’OMD – 1,6% vs 1,1%. Aucun cas de vascularite rétinienne n’a été rapporté. Dans les études de vraie vie portant sur plus de 150 000 patients avec 1,5 million de doses de faricimab, le taux d’inflammation intraoculaire était de 0,2% par IVT, soit un taux similaire à celui des études randomisées lorsqu’il est rapporté au nombre d’IVT. Dans la majorité des cas, il s’agissait d’une uvéite légère à modérée qui pouvait être traitée par des anti-inflammatoires stéroïdiens locaux. Seuls de très rares cas de vascularites rétiniennes ont été rapportés.
L’analyse des bases de données de patients, telles que les registres des organismes de santé aux États-Unis, n’a pas mis en évidence de signaux particuliers pour le faricimab par rapport aux autres anti-VEGF, à l’exception du brolucizumab déjà connu pour son taux plus élevé d’inflammation intraoculaire (figure 2).
L’auteur conclut donc sur la sécurité de la molécule, qui ne doit donc pas modifier le parcours patient habituel du centre. Il est néanmoins recommandé de s’assurer régulièrement de la bonne compréhension, par le patient, des principes d’autosurveillance et des signes cliniques à détecter après une injection intravitréenne.