Réforme des études médicales et glossaire du nouveau cursus officiel

Pour ceux qui, comme moi et quelques suivants encore, ont connu un cursus médical qui voyait se succéder le concours de médecine, les années PCEM puis DCEM, et enfin le concours d’internat rebaptisé examen national classant, il faut bien admettre que la refonte des premier, deuxième et troisième cycles constitue un vrai changement et un petit défi d’intelligibilité. Aussi, voici une mise à jour qui permet de ne pas rester totalement perdu, marginalisé par une incompréhension hébétée des termes pédagogiques actuels très élaborés, issus d’une ingénierie pédagogique de haut vol. Tout d’abord, il semble de circonstance de proposer un glossaire des acronymes désormais omniprésents mais pas toujours parfaitement maîtrisés par les béotiens menacés d’obsolescence que nous sommes.

Glossaire pédagogique et liste des abréviations

Commençons donc par apprendre la langue pédagogique d’usage. Voici, par ordre alphabétique, quelques termes actuels nécessairement non exhaustifs et que nous sommes autorisés à savourer sans modération. Ce glossaire est la pierre de rosette requise pour comprendre la suite.
AFGSU : Attestation de formation aux gestes et soins d’urgence.
BCBGM : Bases cellulaires biochimiques et génétiques des maladies.
CCC : Contrôle continu des connaissances.
CNU : Conseil national des universités.
DES : Diplôme d’études spécialisées.
DFASM : Diplôme de formation approfondie en sciences médicales.
DFGSM : Diplôme de formation générale en sciences médicales.
DJ :  Docteur Junior.
ECOS : Examens cliniques à objectifs structurés.
EDN : Examens dématérialisés nationaux.
HCERES : Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
IFSI/IFMK : Institut de formation en soins infirmiers/ massage-kinésithérapie.
KFP : Key-Feature Problems.
L.AS :  Licence accès santé.
LISA : Livret de suivi des apprentissages.
LMS : Licence des métiers de la santé.
L[1, 2, 3]MS : programme Mastère spécialisé (= Licence 1+2+3, dont une « Mineure » en santé).
MCCC : Modalités de contrôle des connaissances et compétences.
MMOPK : filière Médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, kinésithérapie.
PASS : Parcours d’accès spécifique santé.
PIR : Parcours d’initiation à la recherche.
QRM : Question à réponses multiples.
QROC : Question à réponse ouverte et courte.
QROL : Question à réponse ouverte et longue.
R[1, 2, 3]C : Réforme des 1er, 2e et 3e cycles.
RTS : Responsable de terrain de stage.
SDD : éducation à la Santé et au développement durable.
SMT : Student Mobility for Placement.
TCS : Test de concordance de script.
TICE : Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement.
UNESS : Université numérique thématique en santé et en sport.

Cursus médical de premier et deuxième cycles

Pour devenir ophtalmologiste, il faut commencer par des études de médecine. Leur durée minimum est de 6 ans. La réforme du premier cycle (R1C) a considérablement changé les modalités d’entrée en médecine. Il n’y a plus de goulet d’entrée formalisé par un concours et un numerus clausus. Un numerus apertus permet à chaque faculté d’adapter de manière limitée le nombre d’admis dans les années supérieures, qui restent malgré tout assez sélectives. La sélection s’opère avec un contrôle continu rendant admissible. Elle est finalisée par une admission à obtenir sur épreuves écrites et orales. Les premières années s’inscrivent dans une filière MMOPK avec un PASS (environ 60% des accès). À côté de ce parcours spécifique, il est possible d’intégrer la filière par le biais d’une L.AS, moins connotée « études médicales » mais plus diversifiée. Il est possible de redoubler sa première année de L.AS, pas celle de PASS. Selon l’université, environ un tiers à un cinquième des étudiants finissent par intégrer la filière. Parmi ceux-ci, les étudiants issus des L.AS redoublent plus fréquemment leur future année de DFGSM2 que ceux issus du PASS.
Lorsque sa première année lui permet d’homologuer son entrée en filière de santé, l’étudiant valide un premier cycle. Il s’engage ensuite en deuxième cycle, tout d’abord en DFGSM. Le DFGSM est une licence qui occupe ses deuxième et troisième années. Il devra valider en parallèle 4 semaines de stage infirmier et 12 semaines de stage médical. Ensuite, il passe en DFASM de 3 ans, reconnu au niveau master. Il doit valider son cursus théorique, pratique et au moins 25 gardes. Il est salarié de l’hôpital où il effectue ses stages, dont certains sont de passage obligé, d’autres de choix libre. Il est évalué en contrôle continu, en épreuves dématérialisées, en simulation et en ECOS. Les ECOS consistent à être mis en situation de plusieurs cas cliniques successifs. Un énoncé contextuel de départ donne un objectif à l’étudiant. S’ensuit une situation physique qui confronte le candidat à un acteur ou à un patient réel. Il interagit avec la situation en un temps donné, pendant que 2 évaluateurs le notent en direct selon une grille d’attendus préétablis. Toutes ces modalités d’évaluation permettent de constituer un classement – bien qu’il n’y ait plus de concours en tant que tel –, sur la base duquel l’étudiant établira le profil de son troisième cycle. La figure 1 résume le cursus actuellement en vigueur pour accéder aux études médicales et les compléter.

Cursus de spécialité : le troisième cycle

La R3C a profondément modifié le profil des études de spécialité. Tout d’abord, la médecine générale est devenue une spécialité de 3 ans. L’ophtalmologie reste une spécialité chirurgicale mais passe à 5 ans de cursus (10 semestres). Le cursus est subdivisé en une phase socle (première année), dédiée aux bases de la spécialité. Pendant cette phase, cours magistraux, enseignements dirigés et travaux pratiques sont denses. L’accès chirurgical au patient n’est pas automatique. Dans certaines interrégions, il peut être appendu à l’obtention préalable d’un permis d’opérer, passé sur simulateur. Ensuite, la phase d’approfondissement de 2 ans doit conduire au début de l’autonomisation. L’accès au patient et le compagnonnage sont privilégiés, en parallèle d’un enseignement dirigé et de travaux pratiques (Wetlabs et Drylabs). Enfin, la phase de consolidation est la mise en œuvre supervisée de l’autonomisation en ophtalmologie. Les internes en ophtalmologie accèdent alors au statut de DJ1 (première année) puis de DJ2 (deuxième année). Ils choisissent leur terrain de stage de DJ au cours d’un processus d’appariement à 3 tours (Big Matching) organisé sur une plateforme dématérialisée sous la responsabilité des ARS : les DJ émettent des vœux de terrain de stage qui sont ensuite classés par les RTS. Les tours s’égrènent jusqu’à ce que l’appariement se fasse entre vœux du candidat et poste offert. Il faut savoir qu’un certain taux d’inadéquation est imposé par la tutelle. Le nombre de postes offerts en surplus par rapport au nombre de candidats est en général autour de 80 DJ pour 100 postes. Pour être DJ, il faut être thésé et inscrit sur un tableau spécial du conseil départemental de l’ordre des médecins (CDOM). La thèse doit donc se soutenir plus tôt. Les affectations peuvent changer entre DJ1 et DJ2. Elles le devraient dans l’esprit de la R3C. Le Docteur Junior exerce en autonomie de ses actes mais pas en autonomie juridique, qu’un senior endosse à sa place. Il reste donc supervisé. Cependant, ses années de DJ sont validantes pour obtenir ultérieurement le secteur 2 conventionnel, même si elles ne sont pas consécutives.

À l’issue du troisième cycle, la validation de la spécialité d’ophtalmologie s’obtient par la soutenance d’un mémoire de spécialité et parfois la validation additionnelle d’une épreuve de vérification des connaissances selon les interrégions. En effet, la plupart des interrégions françaises considèrent actuellement qu’obtenir le diplôme européen d’ophtalmologie (European Board of Ophthalmology) peut se substituer à la validation de l’examen final du DES.
Il faut donc au total un minimum de 11 ans d’études supérieures pour devenir ophtalmologiste et obtenir un numéro répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) dans cette spécialité. La spécialité reste très prisée par les étudiants en médecine et l’entrée dans le DES est l’une des plus sélectives parmi les 44 spécialités. Pour accéder à l’un des 154 postes français offerts au choix, il fallait être classé pour la dernière promotion avant le 3 174e candidat parmi les 8 791 lauréats futurs internes.

Contrôle et validation des connaissances

Les étudiants ont accès aux enseignements via les cours magistraux présentiels ou dématérialisés sur la plateforme UNESS, via leurs ED et TP (dont la simulation) organisés par les facultés, sur les terrains de stage en établissement de santé et par les ressources bibliographiques ciblées.
Au niveau du deuxième cycle, qui correspondait auparavant à l’externat, les connaissances requises sont « hiérarchisées ». Elles sont classées en items (367 à l’université Paris Cité par exemple). Des référentiels sont donc officiellement édités par chaque université et par les CNU dans chaque spécialité, avec l’objectif d’être le plus homogène possible sur le territoire français.
Certains items appartiennent aux objectifs de rang A que doit posséder tout médecin ; ils sont donc enseignés et validables en premier et deuxième cycles. Le niveau d’exigence en validation des connaissances est le plus élevé dans la pondération des notes. Les objectifs de rang B correspondent aux items que doit connaître un interne de spécialité avant l’entrée en phase socle de son troisième cycle.

Un CCC est organisé chaque année du deuxième cycle, pour lequel des sessions d’examens sont mises en place, et un e-portfolio d’objectifs doit être rempli au cours des différents stages. Les notes obtenues se cumulent et contribuent à la note de parcours.
Un examen dématérialisé évalue les étudiants en début de DFASM3. Les objectifs de rang B pondèrent la note, dont 60% sont utilisés pour le « Big Matching » de fin du troisième cycle. La note des ECOS organisés à ce moment-là contribue, elle, pour la moitié des évaluations de l’année et pour un tiers dans le Big Matching.
Sur le plan des modalités d’examen proprement dites (docimologie), les étudiants doivent répondre à des questions fermées à nombre de réponses précisé (QRP, sorte de QCM dont le nombre de réponses au choix est clairement précisé), des questions à meilleure réponse ou Single Best Answer (QRU, ancien QCM à choix simple), des questions à réponses multiples (QRM, ancien QCM à choix multiple), des menus déroulants (10-25 propositions, nombre de réponses attendues variable) et des tests à concordance de script (TCS). Le but du TCS est d’évaluer l’aptitude du candidat à résoudre des situations mal définies et le cheminement de son raisonnement (figure 2). Il répond aussi à des questions ouvertes comme des QROC, avec des réponses de 5 mots maximum et/ou des zones à pointer/identifier sur des imageries.

Conclusion

Après ce bref aperçu des nouvelles modalités d’enseignement du cursus médical et ophtalmologique, on voit à quel point l’ingénierie pédagogique s’est imposée depuis la réforme des études de santé promulguée en 2017. Les idées qui ont présidé à la R1C et la R2C étaient de diversifier les profils médicaux et de limiter les cursus caducs. Le principe général de la R3C serait plutôt d’autonomiser plus vite les médecins spécialistes et de limiter les années de postinternat avant l’installation. Un principe général souhaité serait aussi de mieux valoriser l’humain et l’expérientiel pendant tous les cycles. La réforme est en cours de mise en œuvre. Elle se heurte encore à de multiples écueils qu’il n’est pas le propos de détailler ici, avant d’être pleinement opérationnelle. L’avenir seul nous montrera si ces objectifs nobles auront été atteints.

Pour en savoir plus
Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. JORF n° 0172 du 26 juillet 2019.
Arrêté du 2 septembre 2020 portant modification de diverses dispositions relatives au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales et à l’organisation des épreuves classantes nationales. JORF n° 0221 du 10 septembre 2020. Texte n° 21.

Auteurs

  • Jean-Louis Bourges

    Ophtalmologiste

    Université Paris Descartes, OphtalmoPôle Cochin, Paris

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