Traumatismes sportifs : lésions discrètes mais urgentes

À l’occasion du 129e congrès de la Société française d’ophtalmologie, Optic 2000 a une nouvelle fois accordé une place importante aux traumatismes sportifs de l’œil et de l’orbite en organisant le 6 mai dernier un symposium original sous le titre « Traumatismes sportifs : lésions discrètes mais urgentes ».
Symposium Optic 2000

Modérée par le Pr Ramin Tadayoni, chef de service d’ophtalmologie à l’hôpital Lariboisière, l’hôpital Saint-Louis et l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, la séance a été animée par 5 intervenants :
- le Dr Olivier Galatoire, chef de service de chirurgie orbitopalpébrale à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, a rappelé l’anatomie de l’orbite osseuse et défini les différentes formes de traumatismes orbitaires ;
- le Dr Sébastien Bruneau, chef de service adjoint de chirurgie vitréo-rétinienne à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, a exposé les différentes lésions traumatiques du segment postérieur et les grandes lignes de leur prise en charge ;
- Ariel Zenouda, ingénieur Recherche et Développement à la plateforme StreetLab, a présenté un projet de casque de réalité virtuelle qui pourrait permettre à l’avenir d’évaluer les commotions cérébrales à partir des mouvements oculaires ;
- Romain Praud, opticien et responsable du pôle Relations médicales chez Optic 2000, a fait un point sur les équipements de protection oculaire pour les sportifs ;
- Florian Cazenave, joueur de rugby professionnel, a livré un témoignage sur sa reprise de pratique sportive avec des lunettes de protection.

Fractures et lésions orbitaires paucisymptomatiques
Olivier Galatoire
Le cadre orbitaire est composé de 7 os : frontal, maxillaire, zygomatique, sphénoïde, éthmoïde, palatin et lacrymal, qui forment les 4 parois de la cavité. Les os de l’orbite n’ont pas la même épaisseur et donc pas la même prédisposition aux fractures secondaires aux traumatismes sportifs. On distingue 2 types de traumatismes orbitaires :
- les traumatismes orbitaires directs, se traduisant en général par un hématome massif avec exophtalmie et limitation de l’oculomotricité. Un emphysème sous-cutané peut également être observé. En revanche, une fracture en « blow-out » s’accompagne d’une énophtalmie qui correspond à un enfoncement antéropostérieur du globe ;
- les traumatismes orbitaires indirects, secondaires à un choc reçu sur le globe oculaire, qui peuvent constituer une urgence chirurgicale dans le cas d’une fracture en trappe du plancher de l’orbite, associée à une incarcération du muscle droit inférieur et une limitation de l’élévation de l’œil.
À la suite d’un traumatisme craniofacial, la priorité reste l’évaluation de l’état général du patient et la prise en charge de toute urgence vitale, neurochirurgicale puis ophtalmologique. Le traitement des fractures orbitaires consiste à réparer chirurgicalement l’énophtalmie et la diplopie. Il se fait à distance, sauf pour les cas urgents des fractures en trappe.

Lésions du segment postérieur à chercher activement
Sébastien Bruneau
Les atteintes traumatiques du globe oculaire sont, par ordre de gravité : les plaies de globe, les décollements de la rétine, les traumatismes du plan iridocristallinien, les lésions rétiniennes (hémorragie, dialyse, déhiscence, contusion). Ces dernières, bien que souvent discrètes, peuvent avoir des complications graves, notamment pour les dialyses rétiniennes qui sont à chercher activement en raison du risque secondaire de décollement de la rétine. Ce risque existe bien évidemment avec les déchirures rétiniennes, surtout quand elles sont multiples. Quant à la contusion rétinienne, elle est synonyme d’un œdème de la rétine qui régresse spontanément mais laisse des séquelles au niveau du champ visuel.
Parmi les traitements des lésions discrètes, une chirurgie ab externo, avec mise en place d’une indentation sclérale, demeure le standard pour les dialyses rétiniennes. Les déchirures rétiniennes sont à traiter au laser, surtout quand elles sont symptomatiques. D’autres lésions périphériques rétiniennes à type de givre, blanc sans pression, palissades ou trous atrophiques peuvent être surveillées, en particulier si elles sont asymptomatiques. Une palissade trouée avec des symptômes déclenchés par un traumatisme ferait cependant l’objet d’une rétinopexie au laser.
En plus du retentissement visuel, les atteintes oculaires posttraumatiques présentent des enjeux particuliers pour les sportifs car elles impliquent souvent un repos forcé et des procédures de renouvellement de licence ; d’où la conduite, à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, d’une étude visant à déterminer si les contusions cérébrales répétées représentent un facteur de risque surajouté pour les lésions rétiniennes. Un autre projet consiste à évaluer les effets des commotions cérébrales sur le nerf optique.

L’œil : une fenêtre sur les commotions
Ariel Zenouda
Un état commotionnel peut être défini comme un processus physiopathologique complexe affectant le cerveau et induit par des forces biomécaniques.
La fédération World Rugby a mis en place un protocole d’évaluation de blessure à la tête (HIA) pour les équipes adultes de l’élite, visant à contribuer à l’identification, au diagnostic et à la prise en charge des impacts à la tête avec risque de commotion cérébrale. Ce protocole est fondé sur le SCAT5, un outil d’évaluation standardisé de la commotion dans le sport mis au point par le Consensus In Sport Group (CISG) et conçu pour être utilisé par les médecins et les professionnels de la santé diplômés.
Plus récemment, on s’est intéressé aux technologies d’eye-tracking, qui ont le potentiel d’améliorer les résultats du protocole commotion en étudiant les mouvements oculaires à l’aide d’outils multimodaux intégrant des paramètres vestibulaires, cognitifs et de l’équilibre avec différents modes d’affichage et d’eye-trackers. Le projet de StreetLab est de concevoir un tel outil dans un casque de réalité virtuelle qui serait exportable et modulable, et dont les résultats seraient comparés à ceux obtenus par les moyens standard. Une étude menée en partenariat avec l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, actuellement en phase pilote, étudie la fiabilité de cet outil pour la détection de différents types de saccades oculaires. À partir de septembre 2023, elle cherchera à évaluer la reproductibilité des résultats, l’objectif à terme étant d’accompagner le diagnostic des commotions sur le terrain et la reprise du jeu.

La protection comme le meilleur des traitements
Romain Praud
Protéger l’œil et les orbites avec des lunettes équivaut à protéger la tête avec un casque. Cependant, l’usage de protection oculaire n’est pas systématique et des études américaines ont montré que seulement 5% des blessures oculaires sportives sont survenues chez des joueurs équipés en protection oculaire. Le risque est augmenté pour les sports à balles, et encore plus pour les sports amateurs.
Des lunettes adaptées à la pratique sportive sont disponibles sur le marché ; elles sont faites de plastique ultraléger, flexible et résistant pour être compatibles avec une meilleure performance. Afin d’optimiser leur stabilité durant le jeu, des accessoires en mousse ou des cordons peuvent y être ajoutés. Ces montures adaptées ont désormais un coût plutôt accessible et certaines sont agréées par les fédérations sportives comme les Rugby Goggles de Raleri, qui sont déjà homologuées mais non obligatoires.
La mise au point d’équipements de protection oculaire n’interférant pas avec la performance des sportifs, cela devrait encourager les fédérations sportives à les rendre disponibles, voire nécessaires pour la pratique des sports à risque.

Témoignage
Florian Cazenave
Rugbyman de haut niveau, Florian Cazenave perd l’usage de son œil gauche à l’âge de 22 ans à la suite d’un accident domestique. La Fédération française de rugby lui refuse la possibilité de rejouer au rugby en France, au motif que le règlement fédéral français interdit de ne jouer qu’avec un seul organe pair (œil, rein, membre…), le risque de perte du deuxième organe n’étant pas assuré. Florian Cazenave part alors en Italie pendant 3 ans avant de rentrer en France après un changement de règlement l’autorisant à poursuivre sa carrière avec des lunettes de protection.
D’après l’expérience de Florian Cazenave, jouer avec des lunettes de protection est plutôt confortable, surtout avec les nouveaux prototypes qui ont apporté beaucoup d’améliorations comme la résolution du problème de buée.
Le témoignage a été suivi d’une discussion entre les orateurs et le public sur certaines idées reçues par rapport au port de lunettes durant la pratique d’un sport d’équipe et le risque de les casser ou de blesser les autres joueurs. Le panel a rappelé l’importance de demander une imagerie cérébrale systématique devant tout traumatisme orbitaire et de sensibiliser les sportifs (et leurs parents pour les plus jeunes) aux moyens de protection adaptés pour chaque sport. Il revient finalement aux fédérations sportives de mettre à jour leurs règlements médicaux pour mieux assurer la sécurité des joueurs.

Auteurs

  • Nicolas Arej

    Ophtalmologiste

    Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris